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Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique

Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique

Titel: Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Émile Bréhier
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à la science... Ils compilent les opinions de tous, et la masse des opinions qui s ’ opposent est telle que le propre auteur du livre peut à peine les connaître  » [809] .
    Impossible de mieux sentir le danger de l ’ exercice de la subtilité pour elle-même qui fait renaître, aux bords de la Seine, chez un Adam du Petit-Pont, le goût des sophismes où s ’ étaient complu certaines écoles grecques. Adam avouait ingénument qu ’ il aurait eu fort peu d ’ auditeurs s ’ il avait enseigné la dialectique avec des formules simples et faciles à entendre  [810] ; p.604 on aime mieux faire des collections de sophismes, comme celui-ci où revit tout l ’ esprit de l ’ école mégarique  :«  Cent est moindre que deux, puisque cent, par rapport à deux cents, est moindre que deux par rapport à trois.  »
    Jean de Salisbury n ’ est nullement un ennemi de la logique, et il lutte contre ceux qui la déclarent inutile, comme l ’ énigmatique personnage qu ’ il appelle Cornificius, qui se vantait de sa méthode pour raccourcir les études  [811] . Mais Jean veut que la logique soit un simple instrument pour la pensée  : la dialectique d ’ Adam, «  roulant sur elle-même et approfondissant ses propres secrets, s ’ occupe de sujets qui ne servent ni dans la famille, ni à la guerre, ni au tribunal, au cloître, à la Cour ou à l ’ Église, nulle part sinon dans l ’ école » (ch. VIII). Or la logique n ’ est faite que pour résoudre des questions dont la matière est empruntée d ’ ailleurs. A ce sujet, Jean suit avant tout les Topiques d ’ Aristote, le traité qui a sa prédilection parmi les cinq traités de l ’ Organon , dont la connaissance complète se répandait alors en Occident. L ’ importance des Topiques est considérable  ; le livre est alors dans toute sa nouveauté, et il est de style beaucoup plus clair que les Analytiques . Avec un sens historique très sûr, Jean voit bien qu ’ il constitue un traité complet par lui-même  ; commençant par les fondements de la logique, enseignés au premier livre, avec beaucoup plus de clarté que chez Porphyre et Boèce, il y joint les questions morales et physiques dont le tableau est donné au livre III, et s ’ achève avec le livre VIII, le plus utile de tous, où sont enseignées les règles de la discussion et du tournoi dialectique. Parmi les autres traités de l ’ Organon , les Catégories et le Periermeneias ne sont faits que pour préparer les Topiques  ; les Analytiques n ’ en sont que des appendices  ; l ’ art de la démonstration, enseigné dans les Derniers analytiques , est sans usage  ; car la nature des choses est trop cachée pour que l ’ homme p.605 puisse connaître la modalité des propositions, le possible, l ’ impossible et le nécessaire. «  C ’ est pourquoi la méthode de démonstration vacille la plupart du temps en physique et n ’ a son efficacité pleine qu ’ en mathématique  » (ch. XIII, fin).
    On voit ici, en traits nets, l ’ idéal d ’ une époque  : non pas découvrir la nature des choses, mais trouver une méthode générale d ’ invention des arguments, applicable dans les circonstances les plus diverses. On sait bien que l ’ on n ’ atteindra ainsi que le probable  ; « saisir la vérité même, cela n ’ appartient qu ’ à la perfection de Dieu ou d ’ un ange  » (II, ch. X). Aussi bien, Jean sait que au-dessus de la raison, qu ’ il définit à la manière stoïcienne par la stabilité du jugement, il y a l ’ intelligence ( intellectus ) qui atteint les causes divines des raisons naturelles, et la sagesse qui est comme la saveur des choses divines. Mais il en isole fortement la sphère où se débattent des intérêts purement humains avec des moyens humains.
    Ce même esprit, humanisme surmonté d ’ une théologie, se retrouve dans le Policraticus , où la sagesse humaine, morale et politique, est surmontée d ’ une théocratie. Dans sa partie morale, cette œu vre est tout entière pénétrée de stoïcisme. Il y a, à cette époque, une évidente renaissance de cette doctrine, qui coïncide avec le naturalisme dont nous avons trouvé tant de manifestations  : l ’ on connaît et l ’ on discute les arguments stoïciens relatifs au destin  [812] : Jean nous parle d ’ un néostoïcien ( novus stoicus ), un certain Louis, un Italien des Pouilles, qui avait commenté Virgile, et qui, reprenant la vieille discussion de Diodore

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