Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique
sur les futurs contingents, concluait qu ’ il était impossible de savoir « si quelqu ’ une des actions que l ’ homme ne fera pas est pourtant une action possible » (II, ch. XXXIII). Ailleurs Jean prouve, selon la bonne doctrine stoïcienne, que « la providence de Dieu ne supprime pas la nature des choses, et que la série des choses ( series rerum , qui est la définition p.606 même du destin) n ’ altère pas la providence » ; Tout le livre IV, qui est politique, est pénétré des idées stoïciennes du De Legibus de Cicéron ; on y trouve que le prince est l ’ esclave de la loi et de l ’ équité, et que la loi (c ’ est la formule de Chrysippe) est maîtresse de toutes les choses divines et humaines. L ’ État, dit-il encore, doit être ordonné à l ’ image de la nature ; et il cite à ce propos comme modèle, la description de la république des abeilles d ’ après les Géorgiques (V, 21). C ’ est à une lettre de Plutarque à Trajan qu ’ il demande au livre V des préceptes pour la conduite du prince. Même tendance stoïcienne dans sa morale particulièrement au livre VIII, où il traite des passions, en suivant les Tusculanes . Son stoïcisme est en effet celui d ’ un Cicéron, limité par le doute académique.
Ce naturalisme, pénétré de rationalisme stoïcien s ’ arrange merveilleusement bien d ’ une théocratie, qui soumet le pouvoir temporel au pouvoir spirituel. Si « le prince est le ministre des prêtres et inférieur à eux » , c ’ est qu ’« il est constant que le prince, par l ’ autorité de la loi divine, est soumis à la loi de la justice » (IV, 3 et 4). Le prêtre est donc le premier interprète de cette loi divine que « le prince doit toujours avoir devant les yeux » (IV, 6). Rationalisme, naturalisme et prédominance du pouvoir spirituel vont de pair en des formules comme celles-ci : « L ’ État est un corps animé grâce aux bienfaits de Dieu, dirigé par la souveraine équité et régi par la règle de la raison (V, 6). » Le prince est donc l ’ élu de Dieu ; et de là viennent ses privilèges, qui le font considérer dans l ’ État comme une image de la divinité (VI, 25). De même que l ’ on trouve la loi stoïcienne réalisée dans le pouvoir spirituel établi par le Christ, l ’ on voit, d ’ après Jean, la morale stoïcienne à l ’ œuvre dans les ordres monastiques, particulièrement chez les Chartreux (VII, 23).
Bibliographie
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CHAPITRE IV
LA PHILOSOPHIE EN ORIENT
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p.609 Les destins de l ’ Occident pendant le Moyen âge furent en partie déterminés par la conquête arabe qui, étendue de l ’ Inde à l ’ Espagne et s ’ avançant jusqu ’ au sud de l ’ Italie et aux îles grecques, forme comme un écran entre l ’ Europe et l ’ Asie : on sait comment, en un siècle (à partir de 635), la domination des Arabes se répandit d ’ une manière foudroyante, ne s ’ arrêtant, à bout de course, qu ’ à Poitiers en 732 et au Turkestan chinois en 751. Ils apportaient avec eux une langue et une religion qui sont restées, dès lors, la langue et la religion d ’ immenses territoires. Elles s ’ imposèrent comme d ’ elles-mêmes en ces pays de vieille culture hellénistique, Syrie, Égypte, Perse, où nous voyions encore, au V I e siècle, des philosophes tout occupés à commenter Platon et Aristote. Un pareil événement a eu sur le cours de l ’ histoire des idées une influence que nous cherchons à apprécier très sommairement dans ce chapitre.
Les historiens nous apprennent combien peu nombreux étaient les Arabes d ’ origine dans ces vastes territoires, qu ’ ils occupaient militairement, mais en gardant les cadres administratifs et sociaux des pays conquis ; dans la dislocation qui partagea l ’ empire en souverainetés indépendantes, les califes de Bagdad par exemple, mirent à leur service toute l ’ organisation financière et politique des anciens souverains persans [813] . On observe, p.610 semble-t-il, un fait analogue dans le domaine intellectuel : convertis à l ’ islamisme et écrivant en arabe, les philosophes arabes, dont la plupart sont d ’ origine non pas sémitique mais aryenne, trouvent leurs thèmes de méditation soit dans les œuvres grecques, que les Chrétiens nestoriens, qui peuplent l ’ Asie-Mineure et la Perse, traduisent dès le V I e siècle en syriaque et en arabe, soit dans les traditions mazdéennes
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