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Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique

Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique

Titel: Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Émile Bréhier
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idée va ainsi se perdant.
    Ainsi, si les idées peuvent être définies, elles ne sont pas des substances  ; inversement, si les idées sont des substances, elles ne peuvent être ni objets, ni moyens de science. Dans toute l ’ argumentation qui suit, Aristote prête à Platon l ’ intention de faire des idées des principes d ’ explication des choses sensibles  ; elles ne sont que la quiddité réalisée de ces choses  [271] ; et elles prétendent bien répondre au problème de la métaphysique  ; ce qui fait qu ’ un homme (sensible) est un homme, c ’ est qu ’ il participe à l ’ homme en soi. Or, cette explication est illusoire : d ’ abord, comme les idées sont des substances fixes, elles doivent être causes toujours de la même manière, et elles n ’ expliquent donc pas le devenir des choses sensibles, le pourquoi de leur naissance et de leur disparition. L ’ idée, étant immobile, peut être cause d ’ immobilité mais non de mouvement  [272] . Comment d ’ ailleurs agiraient les idées  ? Non pas certes comme la nature qui est immanente aux choses, puisqu ’ elles en sont séparées. Elles ne peuvent être non plus des causes motrices. Et en effet aucun abstrait, aucun universel n ’ est capable de produire une chose particulière  ; c ’ est toujours une chose particulière actuelle qui engendre une chose particulière  ; c ’ est l ’ architecte qui fait la maison, et c ’ est « l ’ homme qui engendre l ’ homme  [273] » . Cette vision concrète et immédiate du devenir ou plutôt des devenirs multiples s ’ oppose à la fiction platonicienne de prétendus modèles des choses, qui ne sont en réalité que ces choses mêmes auxquelles on ajoute l ’ expression en soi et qui, loin d ’ expliquer les choses, ne font que les doubler.
    Rien d ’ essentiel n ’ est ajouté à cette critique par l ’ argumentation que dirige Aristote contre les doctrines apparentées à p.193 celle des idées  : d ’ abord contre la doctrine des êtres mathématiques, conçus par Platon comme des intermédiaires entre les idées et les choses sensibles, ensuite contre la théorie des nombres mathématiques érigés en réalités suprêmes par Speusippe, enfin contre la théorie des nombres idéaux chez Xénocrate. Pourtant il y a un point nouveau : Aristote ne peut pas dire des essences mathématiques ce qu ’ il disait des idées, qu ’ elles ne font que doubler les choses sensibles, puisqu ’ elles sont d ’ une autre nature. Mais alors, cette différence de nature est précisément le point de départ d ’ une critique inverse de celle qu ’ il adresse aux idées, à savoir le caractère complètement arbitraire (qu ’ il signale en particulier chez les partisans des nombres idéaux) du rapport entre le nombre et la chose qu ’ il a charge d ’ expliquer  [274] . Pourtant, pourrait-on dire, des sciences du type de l ’ astronomie qui substitue au ciel visible une construction mathématique faite de cercles ou de sphères, n ’ avancent-elles pas plus près de la réalité que celles qui en restent à la sensation  ? Ces sciences étaient vraiment le fort des platoniciens  : et Aristote lui-même  [275] admet bien que, dans des sciences telles que l ’ harmonique, l ’ arithmétique donne la raison ou l ’ essence des accords que les sens font connaître. S ’ ensuit-il que les réalités mathématiques sont distinctes des sensibles  ? Si le ciel des astronomes est une réalité distincte du ciel sensible, il faudra qu ’ il y ait un ciel immobile a la place même où nous voyons le ciel se mouvoir  [276] . L ’ être mathématique n ’ a point cette réalité  : il naît d ’ une abstraction qui envisage les formes et les limites en les séparant de leur contenu. Aussi Aristote ne considère pas du tout que les mathématiques rendent les substances réelles intelligibles  ; comme les formes et les mouvements réguliers du ciel ont finalement chez lui des raisons physiques, de même il rejette les constructions mathématiques p.194 que l ’ on essayait alors de phénomènes comme la vision. Les mathématiques n ’ atteignent que des prédicats des choses, des quantités et n ’ envisagent point la substance, l ’ être comme tel  ; ce n ’ est pas de leur côté que l ’ on trouvera la métaphysique.
     
    V. — LA THÉORIE DE LA SUBSTANCE
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    En écartant la doctrine d ’ après laquelle les quiddités ou essences des choses sont des

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