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Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique

Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique

Titel: Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Émile Bréhier
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réalités stables comme séparées des choses sensibles. En séparant les idées, Platon, selon Aristote, n ’ a voulu qu ’ imaginer une substance qui pût être l ’ objet de la science créée par Socrate. Celui-ci avait placé la science dans des inductions amenant à des définitions  ; Platon, étendant à la nature entière la méthode que Socrate avait employée en morale, a vu dans les idées des substances correspondant aux quiddités énoncées dans les définitions, et il a expliqué les choses sensibles par leur participation à ces substances  [264] . La critique d ’ Aristote est naturellement toute dialectique  ; il s ’ agit moins de démontrer que les idées n ’ existent pas que de montrer que la philosophie de Platon n ’ est pas la philosophie première, c ’ est-à-dire de montrer qu ’ elle a laissé séparées les deux choses qu ’ elle a cru unir, la science et la substance. Aussi, cette critique, si multiple et variée qu ’ elle soit, peut au fond se réduire à deux chefs  : ou bien les idées sont objets de science, et alors elles ne sont pas des substances  ; ou elles sont les substances des choses, et alors elles ne peuvent être objets de science.
    Considérons le premier point  : on sait les trois arguments par lesquels les platoniciens démontrent l ’ existence des idées : l ’ un au-dessus des multiples (une multiplicité d ’ objets possédant une même propriété, la beauté par exemple, exige que cette propriété existe au-dessus d ’ eux tous)  ; les arguments tirés des sciences (puisqu ’ une définition géométrique implique l ’ existence de son objet)  ; la représentation de la chose qui persiste. une fois la chose disparue, ce qui implique la stabilité d ’ un objet de la science qui n ’ est plus soumis au flux des choses sensibles  [265] . Or, à supposer vrais ces trois arguments, ils prouveraient trop  ; car les choses multiples dont on affirme l ’ unité les choses que l ’ on définit, celles enfin que l ’ on se représente une p.191 fois disparues, peuvent être bien autre chose que des substances, à savoir des quantités, des qualités et des relations. Ces arguments prouvent donc l ’ existence des idées de qualités ou des relatifs au même titre que celle des idées de substances  [266] . Mais comment l ’ idée d ’ une chose qui n ’ est pas substance pourrait-elle être substance  ? Car si l ’ idée d ’ une qualité est, comme on le veut, l ’ être même de cette qualité  [267] , il s ’ ensuit qu ’ elle est elle-même qualité. Il faut aller plus loin  : même l ’ idée d ’ une substance ne peut être, elle aussi, une substance  : car toute substance est une  ; or, si les idées sont, comme elles doivent l ’ être dans le platonisme, des objets de définition, elles ne peuvent être unes. Toute définition est en effet composée d ’ un genre et d ’ une différence  : par exemple, l ’ homme se définit un animal bipède  ; cette composition ne devrait pas être un obstacle à l ’ unité du défini, puisque animal bipède désigne un seul être  ; or, si la théorie des idées est vraie, la composition est incompatible avec l ’ unité  ; car les termes animal et bipède désignent chacun une idée, donc une substance  : il y a donc dans l ’ homme deux substances, et l ’ homme perd, avec son unité, sa substantialité  [268] . Mais, bien plus, l ’ unité du genre animal n ’ est pas mieux sauvegardée que celle de l ’ espèce  ; car, s ’ il était un, il devrait, pour former les espèces, participer à la fois et sous le même rapport à des différences contraires, par exemple animal à bipède et à multipède  [269]  : si c ’ est impossible, il faut donc qu ’ il soit multiple, et que son unité soit dans notre pensée et non plus dans la réalité.
    Enfin, l ’ argumentation de Platon, à en pousser les conséquences, établirait pour chaque classe d ’ être non point une idée comme elle le veut, mais une infinité d ’ idées  ; car si, à chaque multiplicité de choses semblables doit correspondre une idée, la règle doit s ’ appliquer quand nous envisageons l ’ homme sensible et l ’ idée de l ’ homme  ; à ces deux termes, puisqu ’ ils sont p.192 semblables doit correspondre un troisième homme  ; au groupe formé par ces trois hommes, doit en correspondre un quatrième, et ainsi à l ’ infini  [270] . La substantialité de l ’

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