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Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique

Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique

Titel: Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Émile Bréhier
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que tout se réduisît à l’unité d ’ un genre  ? Il y a entre le genre et la différence un mode d ’ union tout à fait autre et bien plus intime  : animal et bipède ne désignent pas deux êtres mais un seul, qui, d ’ abord comme animal, apparaît relativement indéterminé (c ’e st-à-dire matière ou être en puissance), puis comme bipède est relativement déterminé (c ’ est-à-dire forme et être en acte)  ; la définition est donc un énoncé un et énonce un être un, en le déterminant d ’ abord incomplètement par le genre (l ’ animal étant le bipède en puissance), puis complètement par la différence bipède  [279] . Il n ’ y a pas là la moindre juxtaposition de parties étrangères l ’ une à l ’ autre  ; on ne parle pas de deux choses différentes en parlant d ’ animal et de bipède, mais d ’ un même être d ’ abord indéterminé, puis déterminé.
    Mais il est clair que, pour que la réponse soit valable, la notion complète et actuelle d ’ homme doit préexister à ses composants  ; car la notion d ’ animal ne peut être considérée comme indéterminée que relativement à une notion complète telle que celle de l ’ homme. Il ne faut donc pas définir «  comme on a l ’ habitude de faire  » [280] , c ’ est-à-dire sans doute avec la méthode de division platonicienne qui prétend construire synthétiquement les espèces en partant du genre, et va ainsi de l ’ être en puissance à l ’ être en acte, mais d ’ une autre manière, c ’ est-à-dire p.197 analytiquement en allant de l ’ acte à la puissance. L ’ unité de l ’ essence se trouve donc achetée au prix du renoncement à toute méthode génétique et constructrice des concepts  : l ’ essence n ’ est pas composée d ’ éléments comme la syllabe l ’ est de lettres  ; elle est simple et indivisible (l ’ analyse de la définition n ’ étant pas, on l ’ a vu, une véritable décomposition). Or « il n ’ y a, pour des termes simples, ni à rechercher ni à enseigner  ; ou du moins la recherche est d ’ un autre genre  [281]  ».
    Il n ’ y a pas d ’ autre moyen de saisir ces termes indivisibles que cette intuition intellectuelle immédiate qu ’ Aristote appelle la pensée (νόησις) , et qui est à l ’ essence comme la vision est à la couleur, ne pouvant pas plus errer sur son objet que chaque sensation sur son sensible propre  ; il peut y avoir erreur quand on compose des pensées, non quand on pense des termes simples par une sorte de contact immédiat  [282] . Remarquons, pour préciser, que l ’ intuition intellectuelle n ’ est pas, comme chez Platon, au bout d ’ un long mouvement dialectique qui nous fait dépasser les choses sensibles  ; la pensée est dans la perception sensible  ; elle est immanente à la sensation, comme l ’ essence l ’ est à la chose  [283] ; « il y a perception sensible de l ’ universel, par exemple de l ’ homme en Callias, non de Callias seulement  [284]  ». La pensée, en usant de l ’ induction, produit l ’ universel. La pensée, loin de se séparer du sensible, va donc se tourner vers lui pour connaître les essences  ; mais il n ’ y a pas chez Aristote de méthode pour dégager les essences  ; et il ne peut y en avoir  ; simplement une confiance générale dans la pensée qui saura les découvrir.
     
    VI. — MATIÈRE ET FORME   ; PUISSANCE ET ACTE
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    Il reste à montrer que l ’ essence (ου̉σία) est véritablement l ’ être en tant qu ’ être, c ’ est-à-dire ce qui ne se réfère pas à un p.198 principe supérieur, ce qui est vraiment principe radical. Pour saisir la portée du problème, il suffit de songer aux résistances qu ’ Aristote devait trouver tant près des Platoniciens pour qui la construction génétique des essences était le problème fondamental que près des physiciens ou théologiens qui, à leur manière, prétendaient déduire la diversité des êtres. En niant la possibilité même de poser le problème, Aristote eut une influence immense sur la direction de la pensée philosophique  : c ’ était mettre fin à toutes les tentatives d ’ explications génétiques que nous avons vu naître dans la pensée grecque. Aussi est-il particulièrement important de saisir sa doctrine sur ce point.
    Aristote y emploie, par la nature même du sujet, qui porte sur des principes indémontrables, une méthode d ’ analogie, d ’ intuition, d ’

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