Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique

Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique

Titel: Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Émile Bréhier
Vom Netzwerk:
induction qui est sans rigueur démonstrative : les notions métaphysiques, qui se rapportent à l ’ être, placé au-dessus des genres de l ’ être, ne sont pas susceptibles de définitions, mais leur sens peut être seulement suggéré par l ’ analogie  [285] .
    Cette argumentation peut se formuler ainsi  : si l ’ essence (forme ou quiddité) est un principe premier, c ’ est qu ’ elle est un acte et que l ’ acte est toujours antérieur à la puissance.
    Qu ’ est-ce que l ’ acte (ε̉νέργεια)  ? L ’ acte est à la puissance comme l ’ homme éveillé au dormeur, celui qui voit à celui qui a les yeux fermés, la statue par rapport à l ’ airain, l ’ achevé par rapport à l ’ inachevé  [286] . Les seconds termes de chaque couple sont « en puissance  » chacun des premiers  ; celui qui a les yeux fermés est voyant en puissance, l ’ airain est statue en puissance, ce qui veut dire que les yeux verront et que l ’ airain deviendra statue, si certaines conditions sont réalisées. Le voyant et la statue sont, à proprement parler, des êtres en acte, dont les actes sont respectivement la vision et la forme de la statue. La vision est un acte, en ce sens qu ’ elle reste également et uniformément vision p.199 pendant tout le temps pendant lequel elle a lieu  ; la vie, le bonheur, l ’ intuition intellectuelle sont pour la même raison des actes, tandis que la marche qui progresse et est à chaque instant à un stade différent est non pas un acte, mais une action ou un mouvement. L ’ acte (ε̉νέργεια) est comme l ’ œuvre ou la fonction (έ̉̉ργον) de l ’ être en acte  ; la vision est par exemple la fonction de l ’œil [287] ; l ’ acte est encore entéléchie (ε̉ντελέχεια), c ’ est-à-dire état final et achevé qui marque les limites de la réalisation possible  [288] . Il est clair que la notion de puissance n ’ a pas de sens en elle-même et qu ’ elle est toute relative à l ’ être en acte ; c ’ est non pas par ce qu ’ il est, mais au contraire par ce qu ’ il peut devenir, que l ’ être en puissance est conçu comme tel. L ’ acte est au contraire le centre de référence par rapport auquel sont situés et ordonnés les êtres en puissance.
    Or, « l ’ essence ou forme est un acte  [289] » et l ’ acte par excellence  ; car la quiddité est ce qui appartient à un être donné depuis sa naissance jusqu ’ à sa disparition, intégralement, sans progrès ni déficience  ; elle n ’ est pas susceptible de plus ou de moins  ; l ’ on n ’ est pas plus ou moins homme. Pour exprimer cette permanence inaltérable, Aristote emploie pour l ’ essence l ’ expression τό τί η̉ν ει̉ναι, le fait, pour un être, de continuer à être ce qu ’ il était. De cette essence ou forme, il n ’ y a pas de devenir  ; la forme de la sphère d ’ airain, qui est la forme sphérique, ne naît point lorsque l ’ on fabrique la sphère d ’ airain  ; ce qui naît, c ’ est l ’ union de la forme sphérique et de l ’ airain  [290] . La naissance ou devenir consiste ainsi dans l ’u nion d ’ une forme   avec un être capable de la recevoir  ; cet être en puissance, devenu être en acte après avoir reçu la forme, est proprement ce qu ’ Aristote appelle matière (ύλη) . La matière est l ’ ensemble des conditions qui doivent être réalisées pour que la forme puisse apparaître  ; le coffre en puissance, ou, ce qui revient au même, la p.200 matière du coffre, c ’ est le bois  [291] . On le voit, la thèse d ’ Aristote revient à proclamer l ’ inexistence de l ’ être non défini  ; tout être actuel, cet arbre, cet homme, a, tant qu ’ il existe, une essence unique qui en fait un être en acte (τόδε τι)  ; ne pas exister, c ’ est, comme le légendaire bouc-cerf, n ’ être rien.
    Maintenant (et c ’ est là, de tous les théorèmes aristotéliciens, le plus important), l ’ acte est antérieur à la puissance dans les trois sens du mot antérieur, logiquement, temporellement et substantiellement  [292] ; logiquement, puisque, nous l ’a vons vu, la notion de l ’ être en puissance implique celle de l ’ être en acte par rapport à qui il est dit en puissance  ; temporellement, puisque l ’ être en acte ne provient d ’ un être en puissance que sous l ’ effet d ’ un autre être déjà en acte  ; par exemple le musicien en puissance ne devient

Weitere Kostenlose Bücher