Histoire de la Révolution française depuis 1789 jusqu'en 1814
eût-il été Richelieu ou Sully, il fut tombé de même. Il n’appartenait plus à personne d’obtenir de l’argent ou d’opprimer. Il faut dire à sa décharge que la position dont il ne sut pas se tirer, il ne l’avait pas faite, il n’eut que la présomption de l’accepter. Il périt par les fautes de Calonne, comme Calonne avait profité pour ses dilapidations, de la confiance inspirée par Necker. L’un avait détruit le crédit, et l’autre, en voulant le rétablir par la force, détruisit l’autorité.
Les états-généraux étaient devenus le seul moyen de gouvernement et la dernière ressource du trône. Ils avaient été demandés à l’envi par le parlement et les pairs du royaume le 13juillet 1787, par les états du Dauphiné dans l’assemblée de Vizille, par le clergé dans son assemblée de Paris. Les états provinciaux y avaient préparé les esprits ; les notables en étaient les avant-coureurs. Le roi, après en avoir promis, le 18 décembre 1787, la convocation dans cinq ans, en fixa, le 8 août 1788, l’ouverture au 1 er mai 1789. Necker fut rappelé, le parlement rétabli, la cour plénière abolie, les bailliages détruits, les provinces satisfaites, et le nouveau ministre disposa tout pour l’élection des députés et pour la tenue des états.
Il s’opéra à cette époque un grand changement dans l’opposition, qui jusque-là avait été unanime. Le ministère avait essuyé sous Brienne la résistance de tous les corps de l’état parce qu’il avait voulu les opprimer. Il essuya sous Necker la résistance de ces mêmes corps qui voulaient le pouvoir pour eux et l’oppression pour le peuple. De despotique il était devenu national, et il les eut également contre lui. Le parlement avait soutenu une lutte d’autorité et non de bien public ; la noblesse s’était réunie au tiers-état plus contre le gouvernement qu’en faveur du peuple. Chacun de ces corps avait demandé, les états-généraux dans l’espoir, le parlement de les dominer comme en 1614, et la noblesse de reprendre son influence perdue. Aussi la magistrature proposa-t-elle pour modèle des états-généraux de 1789, la forme de ceux de 1614, et l’opinion l’abandonna ; la noblesse se refusa-t-elle à la double représentation du tiers, et la division éclata entre ces deux ordres. Cette double représentation était réclamée par les lumières de l’époque, par la nécessité des réformes, par l’importance qu’avait acquise le tiers-état. Elle avait été déjà admise dans les assemblées provinciales. Brienne, avant de quitter le ministère, ayant fait un appel aux écrivains, afin de savoir quel devait être le mode le plus convenable de composition et de tenue pour les états-généraux, on avait vu paraître au nombre des ouvrages favorables au peuple, la célèbre brochure de Sièyes sur le tiers-état et celle de d’Entraigues sur les états-généraux. L’opinion se déclarant chaque jour davantage, Necker voulant la satisfaire, et ne l’osant pas, désireux de concilier tous les ordres, d’obtenir toutes les approbations, convoqua de nouveau les notables. Il croyait leur faire accepter le doublement du tiers, ils le refusèrent, et il fut obligé de décider malgré eux ce qu’il aurait dû décider sans eux. Necker ne sut pas éviter les contestations en résolvant toutes les difficultés d’avance. Il ne prit pas l’initiative sur le doublement du tiers, comme dans la suite il ne la prit pas sur le vote par ordre ou par tête. Lorsque les états-généraux furent assemblés, la solution de cette seconde question, d’où dépendait le sort du pouvoir et celui du peuple, fut abandonnée à la force.
Quoi qu’il en soit, Necker n’ayant pas pu faire adopter le doublement du tiers par les notables, le fit adopter par le conseil. Il obtint l’admission des curés dans l’ordre du clergé, et des protestants dans celui du tiers. Les assemblées bailliagères furent convoquées pour les élections ; chacun s’agita pour faire nommer des membres de son parti, et dresser des cahiers dans son sens. Le parlement eut peu d’influence dans les élections, la cour n’en eut aucune. La noblesse choisit quelques députés populaires, mais la plupart dévoués aux intérêts de leur ordre, et aussi contraires au tiers-état qu’à l’oligarchie des grandes familles de la cour. Le clergé nomma des évêques et des abbés attachés aux privilèges, et des curés
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