Histoire de la Révolution française depuis 1789 jusqu'en 1814
les communes en face du trône placé au fond de la salle. De vifs applaudissements accueillirent la députation du Dauphiné, celle de Crépi en Valois, dont faisait partie le duc d’Orléans, et celle de Provence. M. Necker, lorsqu’il entra, fut aussi l’objet de l’enthousiasme général. La. faveur publique s’attachait à tous ceux qui avaient contribué à la convocation des états-généraux. Lorsque les députés et les ministres eurent pris leurs places, le roi parut suivi de la reine, des princes, et d’un brillant cortège. La salle retentit d’applaudissements à son arrivée. Louis XVI se plaça sur son trône ; et dès qu’il eut mis son chapeau, les trois ordres se couvrirent en même temps. Les communes, contre l’usage des anciens états, imitèrent sans hésiter le clergé et la noblesse ; le temps était passé où le troisième ordre devait se tenir découvert et parler à genoux. On attendit alors dans le plus grand silence les paroles du roi. On était avide d’apprendre quelles étaient les dispositions réelles du gouvernement à l’égard des états. Voudrait-il assimiler la nouvelle assemblée aux anciennes, ou bien lui accorderait-il le rôle que lui assignaient les besoins de l’état et la grandeur des circonstances ?
« Messieurs, dit le monarque avec émotion, ce jour que mon cœur attendait tant est enfin arrivé, et je me vois entouré des représentants de la nation à laquelle je me fais gloire de commander. Un long intervalle s’était écoulé depuis les dernières tenues des états-généraux ; et quoique la convocation de ces assemblées parût être tombée en désuétude, je n’ai pas balancé à rétablir un usage dont le royaume peut tirer une nouvelle force, et qui peut ouvrir à la nation une nouvelle source de bonheur. » Ces premières paroles qui promettaient beaucoup, ne furent suivies que d’explications sur la dette, et d’annonces de réduction dans les dépenses. Le roi, au lieu de tracer sagement aux états la marche qu’ils devaient suivre, invitait les ordres à être d’accord entre eux, exprimait des besoins d’argent, des craintes d’innovations, et se plaignait de l’inquiétude des esprits, sans annoncer aucune mesure qui pût les satisfaire. Cependant il fut couvert d’applaudissements, lorsqu’il finit par ces mots qui peignaient bien ses intentions : « Tout ce qu’on peut attendre du plus tendre intérêt au bonheur public, tout ce qu’on peut demander à un souverain, le premier ami de ses peuples, vous pouvez, vous devez l’espérer de mes sentiments. Puisse, messieurs, un heureux accord régner dans cette assemblée, et cette époque devenir à jamais mémorable pour le bonheur et la prospérité du royaume ! c’est le souhait de mon cœur, c’est le plus ardent de mes vœux ; c’est enfin le prix que j’attends de la droiture de mes intentions et de mon amour pour mes peuples. »
Le garde-des-sceaux Barentin parla ensuite ; son discours fut une véritable amplification sur les états-généraux et sur les bienfaits du roi. Après un long préambule il aborda enfin les questions du moment. « Sa majesté, dit-il, en accordant une double représentation en faveur du plus nombreux des trois ordres, de celui sur lequel pèse principalement le fardeau de l’impôt, n’a point changé la forme des anciennes délibérations. Quoique celle par tête, en ne produisant qu’un seul résultat, paraisse avoir l’avantage de mieux faire connaître le désir général, le roi a voulu que cette nouvelle forme ne puisse s’opérer que du consentement libre des états-généraux, et avec l’approbation de Sa Majesté. Mais quelle que doive être la manière de prononcer sur cette question ; quelles que soient les distinctions à faire entre les différents objets qui deviendront la matière des délibérations, on ne doit pas douter que l’accord le plus parfait ne réunisse les trois ordres relativement à l’impôt. » Le gouvernement n’était pas éloigné du vote par tête dans les matières pécuniaires parce qu’il était plus expéditif, tandis que dans les matières politiques il se déclarait, en faveur du vote, par ordre, qui était très-propre à empêcher les innovations. Il voulait ainsi parvenir à son but, les subsides, et ne pas permettre à la nation d’atteindre le sien, les réformes. La manière dont le garde-des-sceaux fixa les attributions des états-généraux fit
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