Histoire de la Révolution française depuis 1789 jusqu'en 1814
arbitraire et aussi redoutable, mais ce fut en vain ; car ils paraissaient favoriser les ennemis de la république, en repoussant un tribunal destiné à les punir. Tout ce qu’ils obtinrent, ce fut d’y introduire les jurés, d’en éloigner les hommes violents, et d’annuler son action, tant qu’ils conservèrent quelque influence.
Les principaux efforts des coalisés furent dirigés contre la vaste frontière depuis la mer du Nord jusqu’à Huningue. Le prince de Cobourg dut attaquer, à la tête des Autrichiens, l’armée française sur la Roër et sur la Meuse, pénétrer en Belgique, tandis que, sur l’autre point, les Prussiens marcheraient contre Custine, lui livreraient bataille, cerneraient Mayence, et renouvelleraient l’invasion précédente, après s’en être emparé. Ces deux armées d’opération étaient soutenues, dans les positions intermédiaires, par des forces considérables. Dumouriez, préoccupé de desseins ambitieux et réactionnaires, dans un moment où il ne fallait songer qu’aux périls de la France, se proposa de rétablir la royauté de 1791, malgré la convention et malgré l’Europe. Ce que Bouillé n’avait pas pu faire pour le trône absolu, ni La Fayette pour le trône constitutionnel, dans un temps beaucoup plus propice, Dumouriez espéra l’exécuter tout seul pour une constitution détruite et pour une royauté sans parti. Au lieu de rester neutre entre les factions, comme les circonstances en faisaient une loi à un général, et même à un ambitieux, Dumouriez préféra rompre avec elles, pour les dominer. Il imagina de se former un parti hors de la France ; de pénétrer en Hollande au moyen des républicains bataves, opposés au stathoudérat et à l’influence anglaise ; de délivrer la Belgique des Jacobins, de réunir ces deux pays en un seul état indépendant, et de se donner leur protectorat politique, après avoir acquis toute la gloire d’un conquérant. Il devait alors intimider les partis, gagner ses troupes, marcher sur la capitale, dissoudre la convention, fermer les sociétés populaires, rétablir la constitution de 1 791, et donner un roi à la France.
Ce projet, inexécutable au milieu du grand choc de la révolution et de l’Europe, parut facile au bouillant et aventureux Dumouriez. Au lieu de défendre la ligne menacée, depuis Mayence jusque sur la Roër, il se jeta sur la gauche des opérations, et entra en Hollande à la tête de vingt mille hommes. Il devait, par une marche rapide, se transporter au centre des Provinces-Unies, prendre les forteresses à revers, et être rejoint à Nimègue, par vingt-cinq mille hommes, sous le général Miranda, qui se serait préalablement rendu maître de Maëstricht. Une armée de quarante mille hommes devait observer les Autrichiens et protéger sa droite.
Dumouriez poussa avec vigueur son expédition de Hollande ; il prit Breda et Gertruydenberg, et se disposa à passer le Biesbos et à s’emparer de Dorft. Mais, pendant ce temps, l’armée de droite éprouva les revers les plus alarmants sur la basse Meuse. Les Autrichiens prirent l’offensive, passèrent la Roër, battirent Miazinski à Aix-la-Chapelle ; firent lever à Miranda le blocus de Maëstricht, qu’il avait inutilement bombardé ; franchirent la Meuse, et mirent en pleine déroute, à Liège, notre armée, qui s’était repliée entre Tirlemont et Louvain. Dumouriez reçut du conseil exécutif l’ordre de quitter la Hollande en toute hâte, et de venir prendre le commandement des troupes de la Belgique ; il fut obligé d’obéir et de renoncer à une partie de ses plus folles, mais de ses plus chères espérances.
Les Jacobins, à la nouvelle de tous ces revers, étaient devenus beaucoup plus intraitables. Ne concevant pas de défaite sans trahison, surtout après les victoires brillantes et inattendues de la dernière campagne, ils attribuaient des désastres militaires à des combinaisons de parti. Ils dénoncèrent les Girondins, les ministres et les généraux, qu’ils supposaient d’accord pour livrer la république, et ils conjurèrent leur perte. La rivalité se mêlait aux soupçons, et ils désiraient autant conquérir une domination exclusive, que défendre le territoire menacé ; ils commencèrent par les Girondins. Comme ils n’avaient pas encore accoutumé la multitude à l’idée de proscrire les représentants, ils eurent d’abord recours à un complot pour s’en défaire ;
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