Histoire de la Révolution française depuis 1789 jusqu'en 1814
ils résolurent de les frapper dans la convention, où on les trouverait tous réunis ; et ils fixèrent la nuit du 10 mars pour l’exécution du complot. L’assemblée s’était mise en permanence, à cause des dangers de la chose publique. La veille, on décida, aux Jacobins et aux Cordeliers, de fermer les barrières, de sonner le tocsin, et de marcher en deux bandes sur la convention et chez les ministres. À l’heure convenue, on partit ; mais plusieurs circonstances empêchèrent les conjurés de réussir. Les Girondins, avertis, ne se rendirent point à la séance de nuit ; les sections se montrèrent opposées au complot, et le ministre de la guerre, Beurnonville, marcha contre eux à la tête d’un bataillon de fédérés brestois : tous ces obstacles imprévus et la pluie, qui ne cessa pas de tomber, dispersèrent les conjurés. Le lendemain, Vergniaud dénonça le comité d’insurrection qui avait projeté ces meurtres, demanda que le conseil exécutif fût chargé de prendre des renseignements sur la conjuration du 10 mars, d’examiner les registres des clubs, et d’arrêter les membres du comité insurrecteur. « Nous, marchons, s’écria-t-il, de crimes en amnisties et d’amnisties en crimes. Un grand nombre de citoyens en est venu au point de confondre les insurrections séditieuses avec la grande insurrection de la liberté, de regarder la provocation des brigands comme les explosions d’âmes énergiques, et le brigandage même comme une mesure de sûreté générale. On a vu se développer cet étrange système de liberté d’après lequel on vous dit : « Vous êtes libres, mais pensez comme nous, ou nous vous dénonçons aux vengeances du peuple ; vous êtes libres, mais courbez la tête devant l’idole que nous encensons, ou nous vous dénonçons aux vengeances du peuple ; vous êtes libres, mais associez-vous à nous pour persécuter les hommes dont nous redoutons la probité et les lumières, ou nous vous dénoncerons aux vengeances du peuple ! Citoyens, il est à craindre que la révolution, comme Saturne, ne dévore successivement tous ses enfants, et n’engendre enfin le despotisme avec les calamités qui l’accompagnent. » Ces prophétiques paroles produisirent quelque effet dans l’assemblée ; mais les mesures proposées par Vergniaud n’aboutirent à rien.
Les Jacobins furent arrêtés un moment par le mauvais succès de leur première entreprise contre leurs adversaires ; mais l’insurrection de la Vendée vint leur redonner de l’audace. La guerre de la Vendée était un événement inévitable dans la révolution. Ce pays, adossé à la mer et à la Loire, coupé de peu de routes, semé de villages, de hameaux et de châtellenies, s’était maintenu dans son ancien état féodal. Dans la Vendée il n’y avait pas de lumières ni de civilisation, parce qu’il n’y avait pas de classe moyenne ; et il n’y avait pas de classe moyenne, parce qu’il n’y avait pas ou qu’il y avait peu de villes. La classe des paysans n’avait dès-lors pas acquis d’autres idées que celles qui lui étaient communiquées par les prêtres, et n’avait pas séparé ses intérêts de ceux de la noblesse. Ces hommes simples, robustes et dévoués à l’ancien ordre de choses, ne comprenaient rien à une révolution, qui était le résultat de croyances et de besoins entièrement étrangers à leur situation. Les nobles et les prêtres, se trouvant en force dans ce pays, n’avaient point émigré ; et c’était là vraiment qu’existait le parti de l’ancien régime, parce que là se trouvaient ses doctrines et sa société. Il fallait, tôt ou tard, que la France et la Vendée, pays si différents, et qui n’avaient de commun que la langue, entrassent en guerre ; il fallait que les deux fanatismes de la monarchie et de la souveraineté populaire, du sacerdoce et de la raison humaine, levassent leurs bannières l’un contre l’autre, amenassent le triomphe de l’ancienne ou de la nouvelle civilisation.
Des troubles partiels avaient eu lieu, à plusieurs reprises, dans la Vendée. En 1792, le comte de la Rouairie avait préparé un soulèvement général, qui n’avait pas réussi, à cause de sa propre arrestation ; mais tout était encore disposé pour une insurrection, lorsqu’on exécuta le recrutement des trois cent mille hommes : cette levée en devint le signal. Les réquisitionnaires battirent la gendarmerie à
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