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Histoire de la Révolution française depuis 1789 jusqu'en 1814

Titel: Histoire de la Révolution française depuis 1789 jusqu'en 1814 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: François-Auguste-Marie-Alexis Mignet
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rétracter Legendre lui-même. Aussitôt après, Saint-Just entra dans la salle, suivi des autres membres du comité. Il lut contre les membres arrêtés un long rapport, dans lequel il accusa leurs opinions, leur conduite politique, leur vie privée, leurs projets, les faisant par des rapprochements invraisemblables, mais subtils, complices de toutes les conspirations, et serviteurs de tous les partis. L’assemblée, après l’avoir écouté sans murmure et avec une stupeur approbatrice, décréta à l’unanimité, et même avec applaudissements, l’accusation de Danton et de ses amis. Chacun cherchait à gagner du temps avec la tyrannie, et lui livrait des têtes pour sauver la sienne.
    Les accusés furent traduits devant le tribunal révolutionnaire   ; ils y parurent avec une attitude courageuse et fière. Ils montrèrent une audace de propos et un mépris pour leurs juges, qui n’étaient pas ordinaires. Danton répondit au président Dumas, qui l’interrogeait, selon la coutume, sur son nom, son âge, sa demeure   : « Je suis Danton, assez connu dans la révolution   ; j’ai trente-cinq ans. Ma demeure sera bientôt le néant, et mon nom vivra dans le Panthéon de l’histoire. » Ses réponses dédaigneuses ou violentes, la discussion froide et mesurée de Lacroix, l’austérité de Philipeaux, la verve de Desmoulins, commençaient à remuer le peuple. Mais les accusés furent mis hors des débats, sous prétexte qu’ils manquaient de respect à la justice, et on les condamna aussitôt sans plus les entendre. « On nous immole, s’écria Danton, à l’ambition de quelques lâches brigands   ; mais ils ne jouiront pas long-temps du fruit de leur criminelle victoire. J’entraîne Robespierre… Robespierre me suit. » Ils furent conduits à la Conciergerie, et de là à l’échafaud.
    Ils marchèrent au supplice avec l’assurance ordinaire à cette époque. On avait mis sur pied beaucoup de troupes, et leur escorte était très-nombreuse. La foule, ordinairement bruyante et approbatrice, était silencieuse. Camille Desmoulins, sur la charrette fatale, s’étonnait encore de sa condamnation, et ne pouvait pas la comprendre   : « Voilà donc, disait-il, la récompense destinée au premier apôtre de la liberté   ! » Danton portait la tête haute, et promenait un regard tranquille et fier autour de lui. Au pied de l’échafaud, il s’attendrit un moment   : « Ô ma bien aimée   ! s’écria-t-il   ; ô ma femme   ! je ne te verrai donc plus   !… » Puis, s’interrompant tout-à-coup   : « Danton, point de faiblesse. » Ainsi périrent les tardifs, mais derniers défenseurs de l’humanité, de la modération   ; les derniers qui voulurent la paix entre les vainqueurs de la révolution, la miséricorde pour les vaincus. Après eux aucune voix ne se fit plus entendre de quelque temps contre la dictature de la terreur   ; elle frappa, d’un bout de la France à l’autre, des coups redoublés et silencieux. Les Girondins avaient voulu prévenir ce règne violent, les Dantonistes voulurent l’arrêter, tous périrent, et les dominateurs eurent d’autant plus de victimes à frapper, qu’ils comptèrent plus d’ennemis. On ne s’arrête, dans cette carrière sanglante, que lorsqu’on est tué soi-même. Les décemvirs, après la chute définitive des Girondins, avaient fait mettre la terreur à l’ordre du jour   ; après la chute des Hébertistes, ils y avaient fait mettre la justice et la probité, parce que ceux-ci étaient des factieux impurs   ; après la chute des Dantonistes, ils y firent mettre la terreur et toutes les vertus, parce qu’ils les appelaient le parti des indulg ents et des immoraux.

CHAPITRE IX
     
    Redoublement de terreur   ; sa cause. – Système des démocrates   ; Saint-Just. – Puissance de Robespierre. – Fête de l’Être suprême. – Couthon présente la loi du 22 prairial, qui réorganise le tribunal révolutionnaire   ; troubles, débats, puis obéissance de la convention. – Les membres actifs des comités se divisent   : d’un côté sont Robespierre, Saint-Just et Couthon   ; de l’autre, Billaud-Varennes, Collot-d’Herbois, Barrère et les membres du comité de sûreté générale. – Projets de Robespierre   ; il s’absente des comités, et s’appuie sur les Jacobins et la commune. – Le 8 thermidor, il demande le renouvellement des comités   ; il ne réussit pas. – Séance du 9 thermidor   ;

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