Histoire de la Révolution française depuis 1789 jusqu'en 1814
derniers temps de la convention, avait été nommé pour diriger la guerre. Mais, dès que Carnot eut été choisi, au refus de Sièyes, il prit la conduite des opérations militaires, et laissa à son collègue Letourneur la marine et les colonies. Sa grande capacité et son caractère résolu lui donnèrent la haute main dans cette partie. Letourneur s’attacha à lui, comme La Réveillère à Rewbell, et Barras fut entre deux. Dans ce moment, les directeurs s’occupèrent avec le plus grand accord de la réparation et du bien-être de l’état.
Les directeurs suivirent franchement la route que leur traçait la constitution. Après avoir assis le pouvoir au centre de la république, ils l’organisèrent dans les départements, et établirent, autant qu’ils purent, une correspondance de but entre les administrations particulières et la leur. Placés entre les deux partis exclusifs et mécontents de prairial et de vendémiaire, ils s’appliquèrent, par une conduite décidée, à les assujétir à un ordre de choses qui tenait le milieu entre leurs prétentions extrêmes. Ils cherchèrent à rappeler l’enthousiasme et l’ordre des premières années de la révolution. « Vous, écrivirent-ils à leurs agents, que nous appelons pour partager nos travaux ; vous, qui devez, avec nous, faire marcher cette constitution républicaine ; votre première vertu, votre premier sentiment doit être cette volonté bien prononcée, cette foi patriotique, qui a fait aussi ses heureux enthousiastes et produit ses miracles. Tout sera fait, quand, par vos soins, ce sincère amour de la liberté, qui sanctifia l’aurore de la révolution, viendra ranimer le cœur de tous les Français. Les couleurs de la liberté flottant sur toutes les maisons, la devise républicaine écrite sur toutes les portes, présentent sans doute un spectacle bien intéressant. Obtenez davantage ; avancez le jour où le nom sacré de la république sera gravé volontairement dans tous les cœurs. »
Dans peu de temps, la conduite ferme et sage du nouveau gouvernement rétablit la confiance, le travail, le commerce, l’abondance. La circulation des subsistances fut assurée ; et, au bout d’un mois, le directoire se déchargea de l’approvisionnement de Paris, qui se fit tout seul. L’immense activité, créée par la révolution, commença à se porter vers l’industrie et l’agriculture. Une partie de la population quitta les clubs et les places publiques, pour les ateliers et les champs : alors se ressentit le bienfait d’une révolution qui, ayant détruit les corporations, morcelé la propriété, aboli les privilèges, quadruplé les moyens de civilisation, devait rapidement produire un bien-être prodigieux en France. Le directoire favorisa ce mouvement de travail par des institutions salutaires. Il rétablit les expositions publiques de l’industrie, et perfectionna le système d’instruction décrété sous la convention. L’Institut national, les écoles primaires, centrales et normales, formèrent un ensemble d’institutions républicaines. Le directeur La Réveillère, chargé de la partie morale du gouvernement, voulut alors fonder, sous le nom de Théophilanthropie, le culte déiste, que le comité de salut public avait inutilement essayé d’établir par la fête de l’Être suprême. Il lui donna des temples, des chants, des formules et une sorte de liturgie : mais une pareille croyance ne pouvait qu’être individuelle, et ne pouvait pas long-temps rester publique. On se moqua beaucoup des théophilanthropes, dont le culte contrariait les opinions catholiques et l’incrédulité des révolutionnaires. Aussi, dans le passage des institutions publiques aux croyances individuelles, tout ce qui avait été liberté devint civilisation, et tout ce qui avait été culte devint opinion. Il resta des déistes ; mais il n’y eut plus de théophilanthropes.
Le directoire, pressé par le besoin d’argent et par le désastreux état des finances, recourut à des moyens encore un peu extraordinaires. Il avait vendu ou engagé les effets les plus précieux du Garde-Meuble pour subvenir aux nécessités les plus urgentes. Il restait encore des biens nationaux ; mais ils se vendaient mal et en assignats. Le directoire proposa un emprunt forcé, que les conseils décrétèrent : c’était un reste de mesure révolutionnaire à l’égard des riches ; mais, ayant été accordée en tâtonnant, et
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