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Histoire de la Révolution française depuis 1789 jusqu'en 1814

Titel: Histoire de la Révolution française depuis 1789 jusqu'en 1814 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: François-Auguste-Marie-Alexis Mignet
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l’agitation, l’immense travail, et la démolition complète de ses premières années.
    Cette seconde période fut remarquable, en ce qu’elle parut une sorte d’abandon de la liberté. Les partis, ne pouvant plus la posséder d’une manière exclusive et durable, se découragèrent, et se jetèrent de la vie publique dans la vie privée. Cette seconde période se divisa elle-même en deux époques   : elle fut libérale sous le directoire et au commencement du consulat, et militaire à la fin du consulat et sous l’empire. La révolution alla en se matérialisant chaque jour davantage   ; après avoir fait un peuple de sectaires, elle fit un peuple de travailleurs, et puis un peuple de soldats.
    Déjà beaucoup d’illusions s’étaient perdues   ; on avait passé par tant d’états différents, et vécu si vite en si peu d’années, que toutes les idées étaient confondues et toutes les croyances ébranlées. Le règne de la classe moyenne et celui de la multitude avaient passé comme une rapide fantasmagorie. On était loin de cette France du 14 juillet, avec sa profonde conviction, sa grande moralité, son assemblée exerçant la toute-puissance de la raison et de la liberté, ses magistratures populaires, ses gardes bourgeoises   ; ses dehors animés, brillants, paisibles, et portant le sceau de l’ordre et de l’indépendance. On était loin de la France plus rembrunie et plus orageuse du 10 août, où une seule classe avait occupé le gouvernement et la société, et y avait porté son langage, ses manières, son costume, l’agitation de ses craintes, le fanatisme de ses idées, les défiances et le régime de sa position. Alors on avait vu la vie publique remplacer entièrement la vie privée, la république offrir tour-à-tour l’aspect d’une assemblée et d’un camp, les riches soumis aux pauvres, et les croyances de la démocratie à côté de l’administration sombre et déguenillée du peuple. À chacune de ces époques on avait été fortement attaché à quelque idée   : d’abord à la liberté et à la monarchie constitutionnelle   ; en dernier lieu, à l’égalité, à la fraternité, à la république. Mais au commencement du directoire on ne croyait plus à rien, et, pendant le grand naufrage des partis, tout s’était perdu, et la vertu de la bourgeoisie et la vertu du peuple.
    On sortait affaibli et froissé de cette furieuse tourmente   ; et chacun, se rappelant l’existence politique avec épouvante, se jeta d’une manière effrénée vers les plaisirs et les rapprochements de l’existence privée, si long-temps suspendue. Les bals, les festins , les débauches, les équipages somptueux, revinrent avec plus de vogue que jamais   ; ce fut la réaction des habitudes de l’ancien régime. Le règne des Sans-culottes ramena la domination des riches   ; les clubs, le retour des salons. Du reste il n’était guère possible que ce premier symptôme de la reprise de la civilisation nouvelle ne fût point aussi désordonné. Les mœurs directoriales étaient le produit d’une autre société, qui devait reparaître avant que la société nouvelle eût réglé ses rapports, et fait ses propres mœurs. Dans cette transition, le luxe devait faire naître le travail   ; l’agiotage, le commerce   ; les salons, le rapprochement des partis, qui ne pouvaient se souffrir que par la vie privée   ; enfin, la civilisation recommencer la liberté.
    La situation de la république était décourageante au moment de l’installation du directoire. Il n’existait aucun élément d’ordre et d’administration. Il n’y avait point d’argent dans le trésor public   ; les courriers étaient souvent retardés, faute de la somme modique nécessaire pour les faire partir. Au-dedans, l’anarchie et le malaise étaient partout   ; le papier-monnaie, parvenu au dernier degré de ses émissions et de son discrédit, détruisait toute confiance et tout commerce   ; la famine se prolongeait, chacun refusant de vendre ses denrées, car c’eût été les donner   ; les arsenaux étaient épuisés ou vides. Au dehors, les armées étaient sans caissons, sans chevaux, sans approvisionnements   ; les soldats étaient nus, et les généraux manquaient souvent de leur solde de huit francs numéraire par mois, supplément indispensable, quoique bien modique, de leur solde en assignats. Enfin, les troupes, mécontentes et sans discipline, à cause de leurs besoins, étaient de

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