Histoire de la Révolution française depuis 1789 jusqu'en 1814
la limitation des pouvoirs devient donc sans valeur ; il est donc contraire aux principes de la constitution, que les députés dont, les mandats en sont frappés, ne demeurent pas dans cette assemblée ; leur serment leur commande d’y rester, et l’intérêt public l’exige. »
« On nous environne de sophismes, reprit alors l’abbé Maury ; depuis quand sommes-nous, une convention nationale ? On parle du serment que nous avons fait le 20 juin, sans songer qu’il ne saurait infirmer celui que nous avions fait à nos commettants. Et puis, messieurs, la constitution est achevée, il ne vous reste qu’à déclarer que le roi possède la plénitude du pouvoir exécutif ; nous ne sommes ici que pour assurer au peuple français le droit d’influer sur sa législation, pour établir que l’impôt sera consenti par le peuple, pour assurer notre liberté. Oui, la constitution est faite, et je m’oppose à tout décret qui limiterait les droits du peuple sur les représentants. Les fondateurs de la liberté doivent respecter la liberté de la nation : elle est au-dessus de nous, et nous détruisons notre autorité en bornant l’autorité nationale. »
Les applaudissements du côté droit accueillirent ces paroles de l’abbé Maury. Mirabeau monta sur le champ à la tribune. « On demande, dit-il, depuis quand les députés du peuple sont devenus convention nationale. Je réponds : c’est le jour où, trouvant l’entrée de leurs séances environnée de soldats, ils allèrent se réunir dans le premier endroit où ils purent se rassembler, pour jurer de plutôt périr que de trahir et d’abandonner les droits de la nation. Nos pouvoirs, quels qu’ils fussent, ont changé ce jour de nature ; quels que soient les pouvoirs que nous avons exercés, nos efforts, nos travaux, les ont légitimés : l’adhésion de la nation les a sanctifiés. Vous vous rappelez tous le mot de ce grand homme de l’antiquité, qui avait négligé les formes légales pour sauver sa patrie. Sommé par un tribun factieux de dire s’il avait observé les lois, il répondit : Je jure que j’ai sauvé la patrie ! Messieurs (en se tournant vers les députés des communes) je jure que vous avez sauvé la France ! » L’assemblée entière se leva, par un mouvement spontané, et déclara que sa session ne finirait qu’au moment où son œuvre serait accomplie.
Les tentatives contre-révolutionnaires se multiplièrent aussi au dehors de l’assemblée. On essaya de séduire ou de désorganiser l’armée, mais l’assemblée prit de sages mesures à cet égard ; elle attacha les troupes à la révolution, en rendant les grades et l’avancement indépendants de la cour et des titres nobiliaires. Le comte d’Artois, qui s’était réfugié à Turin, forma des intelligences avec Lyon et le midi, mais l’émigration n’ayant pas à cette époque la consistance extérieure qu’elle eut plus tard à Coblentz, et manquant d’appui dans l’intérieur, tous ses projets échouèrent. Les essais de soulèvement que le clergé tenta dans le Languedoc, furent sans résultat, ils amenèrent quelques troubles de peu de durée, mais ils n’engagèrent point une guerre religieuse. Il faut du temps pour former un parti, et il en faut davantage pour le décider à combattre sérieusement. Un dessein moins impraticable fut celui d’enlever le roi et de le conduire à Péronne. Le marquis de Favras s’apprêtait à l’exécuter lorsqu’il fut découvert. Le Châtelet condamna à mort cet intrépide aventurier, qui manqua son entreprise parce qu’il y mit trop d’appareil. L’évasion du roi, après les événements d’octobre, ne pouvait plus avoir lieu que d’une manière furtive, comme il arriva plus tard à Varenne.
La cour était dans une position équivoque et embarrassée : elle encourageait toutes les entreprises, elle n’en avouait aucune ; elle sentait plus que jamais sa faiblesse et sa dépendance de l’assemblée ; et tout en désirant de s’y soustraire, elle craignait de le tenter parce que le succès lui paraissait difficile. Aussi excitait-elle les résistances sans y coopérer ouvertement : avec les uns elle rêvait l’ancien régime, avec les autres elle ne cherchait qu’à modérer la révolution. Mirabeau avait depuis peu traité avec elle. Après avoir été un des principaux auteurs des réformes, il voulait leur donner de la stabilité, en enchaînant les
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