Histoire de la Révolution française depuis 1789 jusqu'en 1814
Mirabeau avait entraîné l’assemblée ; et l’on avait voté la contribution patriotique au milieu des applaudissements universels.
Mais cette ressource n’avait produit qu’un soulagement momentané. Les finances de la révolution dépendaient d’une mesure plus hardie et plus vaste ; il fallait non-seulement faire subsister la révolution, mais encore combler l’immense déficit qui retardait sa marche et menaçait son avenir. Il ne restait qu’un moyen, celui de déclarer nationales les propriétés ecclésiastiques, et de les vendre à la décharge de l’état. L’intérêt public le prescrivait ainsi, et on le pouvait, en toute justice, le clergé n’étant pas propriétaire, mais simple administrateur de ses biens, qui avaient été donnés au culte, et non aux prêtres. La nation, en se chargeant des frais de l’autel et de l’entretien de ses ministres, pouvait donc se les approprier, se procurer par là une ressource financière importante, et obtenir un grand résultat politique.
Il importait de ne plus laisser dans l’état de corps indépendant, et surtout ancien, car en temps de révolution tout ce qui est ancien est ennemi. Le clergé, par sa formidable hiérarchie et son opulence, étranger aux changements nouveaux, se serait maintenu en république dans le royaume. Cette forme convenait à un autre régime : lorsqu’il n’y avait pas d’état, mais seulement des corps, chaque ordre avait pourvu à son organisation et à son existence. Le clergé avait ses décrétales, la noblesse sa loi des nefs, le peuple ses municipalités ; tout était indépendant, parce que tout était privé ; mais aujourd’hui, que les fonctions devenaient publiques, il convenait de faire du sacerdoce une magistrature, comme on l’avait fait de la royauté ; et, pour les rendre dépendants de l’état, il fallait les faire salarier par lui, et reprendre au monarque ses domaines, au clergé ses biens, en affectant à l’un et à l’autre des dotations convenables. Voici comment fut conduite cette grande opération, qui détruisit l’ancien régime ecclésiastique.
Un des besoins les plus pressants était l’abolition des dîmes. Comme c’était un impôt payé au clergé par le peuple des campagnes, le sacrifice devait tourner au profit de ceux qui en étaient écrasés. Aussi, après les avoir déclarées rachetables, dans la nuit du 4 août, on les supprima sans équivalent le 11 du même mois : le clergé s’y opposa d’abord, mais il eut ensuite le bon esprit d’y consentir. L’archevêque de Paris abandonna les dîmes au nom de tous ses confrères, et, par cet acte de prudence, il se montra fidèle à la conduite des privilégiés, dans la nuit du 4 août ; mais ce fut le terme de ses sacrifices.
Peu de temps après, la discussion commença sur la propriété des biens ecclésiastiques. L’évêque d’Autun, Talleyrand, proposa au clergé d’y renoncer en faveur de la nation, qui les emploierait à l’entretien des autels et au paiement de sa dette. Il prouva la justice et la convenance de cette mesure ; il montra les grands avantages qui en résulteraient pour l’état. Les biens du clergé s’élevaient à plusieurs milliards ; en se chargeant de ses dettes, du service ecclésiastique, de celui des hôpitaux, de la dotation de ses ministres, il restait encore de quoi éteindre toutes les rentes publiques, tant perpétuelles que viagères, et de quoi rembourser le prix des offices de judicature. Le clergé se souleva contre cette proposition. La discussion fut très-vive ; et l’on prouva, malgré sa résistance, qu’il n’était pas propriétaire, mais simple dépositaire des biens consacrés aux autels par la piété des rois ou des fidèles, et que la nation, en fournissant au service, devait rentrer dans les biens. Le décret qui les mit à sa disposition fut porté le 2 décembre.
Dès lors éclata la haine du clergé contre la révolution. Il avait été moins intraitable que la noblesse au commencement des états-généraux, pour sauver ses richesses ; depuis, il se montra aussi opposé qu’elle au nouveau régime. Cependant, comme le décret mettait les biens ecclésiastiques à la disposition de la nation sans les dénaturer encore, il n’éclata pas de suite. De quelque temps l’administration ne cessa pas de lui en être confiée, et il espéra qu’ils serviraient d’hypothèque à la dette, mais qu’ils ne seraient point
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