Histoire de la Révolution française depuis 1789 jusqu'en 1814
jurons d’être à jamais fidèles à la nation, à la loi et au roi, de maintenir de tout notre pouvoir la constitution décrétée par l’assemblée nationale et acceptée par le roi, et de demeurer unis à tous les Français par les liens indissolubles de la fraternité. » Aussitôt les salves de l’artillerie, les cris prolongés vive la nation ! vive le roi ! le cliquetis des armes, les sons de la musique, se mêlèrent ensemble. Le président de l’assemblée nationale prêta le même serment, et tous les députés le répétèrent à la fois. Alors Louis XVI se leva : « Moi, dit-il, roi des Français, je jure d’employer tout le pouvoir qui m’est délégué par l’acte constitutionnel de l’état, à maintenir la constitution décrétée par l’assemblée nationale et acceptée par moi. » La reine entraînée leva le dauphin dans ses bras, et le montrant au peuple : « Voilà mon fils, il se réunit ainsi que moi dans les mêmes sentiments. » Au même instant les bannières s’abaissèrent, les acclamations du peuple se firent entendre, les sujets crurent à la sincérité du monarque, le monarque à l’attachement des sujets, et on termina cette heureuse journée par un cantique d’actions de grâces.
Les fêtes de la fédération se prolongèrent quelque temps encore : des joutes, des illuminations, des danses furent données par la ville de Paris aux députés des départements. Un bal eut lieu sur le sol même où un an auparavant s’élevait la Bastille ; des grilles, des fers, des ruines étaient jetés ça et là, et sur la porte on avait écrit cette inscription qui contrastait avec l’ancienne destination de ce séjour : Ici l’on danse. « On dansait, en effet, avec joie, avec sécurité, dit un contemporain, sur le même sol où coulèrent tant de pleurs, où gémirent tant de fois le courage, le génie, l’innocence ; où furent si souvent étouffés les cris du désespoir. » Après que ces fêtes furent terminées, on frappa une médaille pour en éterniser le souvenir, et chacun des fédérés retourna dans son département.
La fédération ne fit que suspendre les hostilités des partis. On recommença de petites intrigues, tant dans l’assemblée qu’au dehors. Le duc d’Orléans était revenu de sa mission, ou, pour mieux dire, de son exil. L’information sur les journées des 5 et 6 octobre, dont on l’accusait d’être l’auteur avec Mirabeau, avait été conduite par le Châtelet. Cette procédure, qui avait été suspendue, fut alors reprise. La cour, par cette attaque, se montra de nouveau imprévoyante ; car il fallait démontrer l’accusation, ou ne pas l’entamer. L’assemblée, qui était décidée à livrer les coupables, si elle en avait trouvé, déclara qu’il n’y avait pas lieu à poursuivre ; et Mirabeau, après une foudroyante sortie contre cette procédure, força le côté droit au silence, et demeura triomphant d’une accusation qu’on n’avait élevée que pour l’effrayer.
On n’attaquait pas seulement quelques députés, mais l’assemblée elle-même. La cour intriguait contre elle, le côté droit la poussait à l’exagération. Nous aimons ses décrets, disait l’abbé Maury ; il nous en faut encore trois ou quatre. Des libellistes soudoyés faisaient vendre à sa porte des écrits propres à lui enlever le respect du peuple ; les ministres blâmaient et contrariaient sa marche. Necker, que le souvenir de son ancien ascendant poursuivait toujours, lui adressait des mémoires, dans lesquels il combattait ses décrets et lui donnait des conseils. Ce ministre ne pouvait pas s’accoutumer à un rôle secondaire ; il ne voulait pas suivre les plans de l’assemblée, mais lui imposer les siens. Les temps étaient bien changés ! Enfin, convaincu ou lassé de l’inutilité de ses efforts, Necker partit, et traversa obscurément les provinces qu’un an auparavant il avait parcourues en triomphateur. Grand exemple de la brièveté des faveurs populaires ! En révolution, les hommes sont facilement oubliés, parce que les peuples en voient beaucoup et vivent vite. Si l’on ne veut pas qu’ils soient ingrats, il ne faut pas cesser un instant de les servir à leur manière.
D’un autre côté, la noblesse, qui avait reçu un nouveau sujet de mécontentement, par l’abolition des titres, continua ses tentatives contre-révolutionnaires. Comme elle ne parvenait pas à soulever
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