Histoire de la Révolution française depuis 1789 jusqu'en 1814
Ducastel, qui la présidait, lui dit laconiquement : « Sire, l’assemblée nationale législative est définitivement constituée ; elle nous a députés vers vous pour vous en instruire. » Louis XVI lui répondit plus sèchement encore : « Je ne puis vous aller voir avant vendredi. » Cette conduite de la cour à l’égard de l’assemblée était maladroite, et peu propre à lui concilier l’affection populaire.
L’assemblée approuva la manière froide dont le président de la députation s’était exprimé, et elle se permit bientôt un acte de représailles. Le cérémonial avec lequel le roi devait être reçu au milieu d’elle était réglé par les lois précédentes. Un fauteuil en forme de trône lui était réservé ; on se servait à son égard des titres de sire et de majesté ; et les députés, debout et découverts à son arrivée, s’asseyaient, se couvraient, et se levaient encore, en imitant avec déférence tous les mouvements du prince. Quelques esprits inquiets et exagérés trouvaient ces condescendances indignes d’une assemblée souveraine. Le député Grangeneuve demanda que les mots sire et majesté fussent remplacés par le titre plus constitutionnel et plus beau de roi des Français. Couthon renchérit encore sur cette motion, et proposa de donner au roi un simple fauteuil, entièrement semblable à celui du président. Ces demandes excitèrent une légère improbation de la part de quelques membres ; le plus grand nombre les accueillit avec empressement. « J’aime à croire, dit Guadet, que le peuple français vénérera toujours beaucoup plus, dans sa simplicité, le fauteuil sur lequel s’assoit le président des représentants de la nation, que le fauteuil doré sur lequel s’assoit le chef du pouvoir exécutif. Je ne parlerai pas, messieurs, des titres de sire et de majesté. Je m’étonne que l’assemblée nationale mette en délibération si elle les conservera. Le mot sire signifie seigneur ; il tenait au régime féodal, qui n’existe plus. Quant à celui de majesté, on ne doit plus l’employer que pour parler de Dieu et du peuple. »
La question préalable fut demandée, mais faiblement ; on mit ces diverses propositions aux voix, et elles furent adoptées à une majorité considérable. Cependant, comme un pareil décret paraissait hostile, l’opinion constitutionnelle se prononça contre lui, et blâma cette rigueur trop excessive dans l’application des principes. Le lendemain, ceux qui avaient invoqué la question préalable demandèrent que les décisions de la veille fussent abandonnées. Le bruit se répandit en mêmetemps que le roi ne se présenterait point à l’assemblée si le décret était maintenu, et le décret fut rapporté. Ces petits démêlés entre deux puissances qui craignaient entre elles des usurpations, des démarches de hauteur, et surtout de la mauvaise volonté, finirent là cette fois. Le souvenir en fut entièrement effacé par la présence de Louis XVI dans le corps législatif, où il fut reçu avec les plus grands respects et le plus vif enthousiasme.
Son discours eut pour principal objet la pacification générale : il indiqua à l’assemblée les matières qui devaient attirer son attention, les finances, les lois civiles, le commerce, l’industrie, et la consolidation du gouvernement nouveau ; il promit d’employer ses efforts à ramener l’ordre et la discipline dans l’armée, à mettre le royaume en état de défense, et à donner sur la révolution française des idées propres à rétablir la bonne intelligence en Europe. Il ajouta ces paroles, qui furent beaucoup applaudies : « Messieurs, pour que vos importants travaux ainsi que votre zèle produisent tout le bien qu’on doit en attendre, il faut qu’entre le corps législatif et le roi il règne une constante harmonie et une confiance inaltérable. Les ennemis de notre repos ne chercheront que trop à nous désunir ; mais que l’amour de la patrie nous rallie, et que l’intérêt public nous rende inséparables ! Ainsi la puissance publique se déploiera sans obstacle ; l’administration ne sera pas tourmentée par de vaines terreurs ; la propriété et la croyance de chacun seront également protégées, et il ne restera plus à personne de prétexte pour vivre éloigné d’un pays ou les lois seront en vigueur et où tous les droits seront respectés. » Malheureusement il y avait deux classes
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