Histoire de la Révolution française depuis 1789 jusqu'en 1814
membres de l’assemblée actuelle ne pouvaient pas faire partie de la suivante ; on l’avait ainsi décidé avant le départ de Varennes. Dans cette question importante, le désintéressement des uns, la rivalités des autres, des intentions d’anarchie de la part des aristocrates et de domination de la part des républicains, avaient entraîné l’assemblée. Vainement Duport avait dit : « Depuis qu’on nous rassasie de principes, comment ne s’est-on pas avisé que la stabilité est aussi un principe de gouvernement ! veut-on exposer la France dont les têtes sont si ardentes et si mobiles, à voir arriver tous les deux ans une révolution dans les lois et dans les opinions ? » C’est ce que voulaient les privilégiés et les Jacobins, quoique avec des buts différents. Dans toutes les matières semblables, l’assemblée constituante se trompa ou fut dominée : lorsqu’il s’agit du ministère, elle décida, contre Mirabeau, qu’aucun député ne pourrait l’occuper ; lorsqu’il s’agit de la réélection, elle décida, contre ses propres membres, qu’elle ne pourrait pas avoir lieu ; ce fut dans le même esprit qu’elle leur interdit d’accepter pendant quatre ans aucun emploi conféré par le prince. Cette manie de désintéressement entraîna bientôt La Fayette à se démettre du commandement de la garde nationale, et Bailly de la mairie : aussi cette époque remarquable finit en entier avec la constituante et il n’en resta plus rien sous la législative.
La réunion des décrets constitutionnels en un seul corps fit naître l’idée de les réviser ; mais cette tentative de révision excita un extrême mécontentement et fut à peu près nulle ; il ne convenait pas de rendre après coup la constitution plus aristocratique, de peur que la multitude ne la voulût encore plus populaire. Pour enchaîner la souveraineté de la nation, et en même temps pour ne pas la méconnaître, l’assemblée déclara que la France avait le droit de revoir sa constitution, mais qu’il était prudent de ne pas user de ce droit pendant trente ans.
L’acte constitutionnel fut présenté au roi par soixante députés ; la suspension fut levée : Louis XVI reprit l’exercice de son pouvoir, et la garde que la loi lui avait donnée fut sous son commandement. Redevenu libre, la constitution lui fut soumise. Après plusieurs jours d’examen : « J’accepte la constitution, écrivit-il à l’assemblée ; je prends l’engagement de la maintenir au dedans, de la défendre contre les attaques du dehors, et de la faire exécuter par tous les moyens qu’elle met en mon pouvoir. Je déclare qu’instruit de l’adhésion que la grande majorité du peuple donne à la constitution, je renonce au concours que j’avais réclamé dans le travail ; et que, n’étant responsable qu’à la nation, nul autre, lorsque j’y renonce, n’a le droit de s’en plaindre. »
Cette lettre excita de vifs applaudissements. La Fayette demanda et fit décréter une amnistie en faveur de ceux, qui étaient poursuivis pour le départ du roi, ou pour des faits relatifs à la révolution. Le lendemain le roi vint lui même accepter la constitution dans l’assemblée ; la foule l’y accompagna de ses acclamations ; il fut l’objet de l’enthousiasme des députés et des tribunes, et ce jour-là il obtint de nouveau la confiance et l’affection du peuple. Enfin, le 29 septembre fut marqué pour la clôture de l’assemblée ; le roi se rendit à la séance ; son discours fut souvent interrompu par les applaudissements, et lorsqu’il dit : « Pour vous, messieurs, qui dans une longue et pénible carrière avez montré un zèle infatigable, il vous reste encore un devoir à remplir, lorsque vous serez dispersés sur la surface de cet empire : c’est d’expliquer à vos concitoyens le véritable sens des lois que vous avez faites pour eux, d’y rappeler ceux qui les méconnaissent, d’épurer, de réunir toutes les opinions par l’exemple que vous leur donnerez de l’amour de l’ordre et de la soumission aux lois. » – Oui, oui ! s’écrièrent d’un commun accord tous les députés. – « Je compte que vous serez l’interprète de mes sentiments auprès de vos concitoyens. » – Oui, oui ! – « Dites-leur bien à tous que le roi sera toujours leur premier et leur plus fidèle ami ; qu’il a besoin d’être aimé d’eux ;
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