Histoire de la Révolution française depuis 1789 jusqu'en 1814
faveur des Girondins.
Ceux-ci ne se bornèrent point à l’acquisition de la mairie. La France ne pouvait pas demeurer plus long-temps dans cet état dangereux et provisoire ; les décrets qui justement ou non devaient pourvoir à la défense de la révolution et qui avaient été rejetés par le roi, n’étaient remplacés par aucune mesure du gouvernement ; le ministère montrait une mauvaise volonté ou une incurie évidentes. Aussi les Girondins accusèrent le ministre des relations extérieures, Delessart, de compromettre l’honneur et la sûreté de la nation par le ton de ses négociations avec les puissances étrangères, par ses lenteurs et son impéritie ; ils poursuivirent vivement aussi le ministre de la guerre, Du Portail, et celui de la marine, Bertrand de Molleville, comme ne mettant en défense ni les frontières, ni les côtes. La conduite des électeurs de Trêves, de Mayence et de l’évêque de Spire, qui favorisaient les attroupements militaires des émigrés, excitait surtout une profonde indignation nationale. Le comité diplomatique proposa de déclarer au roi que la nation verrait avec satisfaction qu’il requît les princes limitrophes de disperser dans trois semaines les attroupements, et qu’il rassemblât les forces nécessaires pour les contraindre à respecter le droit des gens. On voulait aussi, par cette démarche importante, faire prendre à Louis XVI un engagement solennel, et signifier à la diète de l’empire, assemblée à Ratisbonne, ainsi qu’à toutes les autres cours de l’Europe, les fermes intentions de la France.
Isnard monta à la tribune pour soutenir ce projet : « Élevons-nous, dit-il, dans cette circonstance, à toute la hauteur de notre mission ; parlons aux ministres, au roi, à l’Europe entière, avec la fermeté qui nous convient. Disons à nos ministres que jusqu’ici la nation n’est pas très-satisfaite de la conduite de chacun d’eux ; que désormais ils n’ont à choisir qu’entre la reconnaissance publique et la vengeance des lois, et que par le mot responsabilité, nous entendons la mort. Disons au roi que son intérêt est de défendre la constitution ; qu’il ne règne que par le peuple et pour le «peuple, que la nation est son souverain, et qu’il est sujet à la loi. Disons à l’Europe que le peuple français, s’il tire l’épée, en jettera le fourreau ; qu’il n’ira le chercher que couronné des lauriers de la victoire ; que, si des cabinets engagent les rois dans une guerre contre les peuples, nous engagerons les peuples dans une guerre à mort contre les rois. Disons-lui que tous les combats que se livreront les peuples par ordre des despotes… (Et comme on l’interrompait par des applaudissements, il s’écria :) N’applaudissez pas, n’applaudissez pas, respectez mon enthousiasme ; c’est celui de la liberté. Disons donc à l’Europe que tous les combats que se livrent les peuples, par ordre des despotes, ressemblent aux coups que deux amis, excités par un instigateur perfide, se portent dans l’obscurité : si la clarté du jour vient à paraître, ils jettent leurs armes, s’embrassent, et châtient celui qui les trompait : de même, si, au moment où les armées ennemies lutteront avec les nôtres, le jour de la philosophie frappe leurs yeux, les peuples s’embrasseront à la face des tyrans détrônés, de la terre consolée et du ciel satisfait. »
L’assemblée décréta avec transport, et à l’unanimité, la mesure proposée, et envoya un message au roi. Vaublanc fut l’organe de cette députation. « Sire, dit-il à Louis XVI, à peine l’assemblée nationale a-t-elle porté ses regards sur la situation du royaume, qu’elle s’est aperçue que les troubles qui l’agitent encore ont leur source dans les préparatifs criminels des émigrés français. Leur audace est soutenue par des princes allemands qui méconnaissent les traités signés entre eux et la France, et qui affectent d’oublier qu’ils doivent à cet empire le traité de Westphalie, qui garantit leurs droits et leur sûreté. Ces préparatifs hostiles, ces menaces d’invasion, commandent des armements qui absorbent des sommes immenses, que la nation aurait versées avec joie entre les mains de ses créanciers.
« C’est à vous, sire, à les faire cesser ; c’est à vous de tenir aux puissances étrangères le langage qui convient au roi des Français ! Dites-leur que
Weitere Kostenlose Bücher