Histoire de la Révolution française depuis 1789 jusqu'en 1814
partout où l’on souffre des préparatifs contre la France, la France ne peut voir que des ennemis ; que nous garderons religieusement le serment de ne faire aucune conquête ; quenous leur offrons le bon voisinage, l’amitié inviolable d’un peuple libre et puissant ; que nous respecterons leurs lois, leurs usages, leurs constitutions ; mais que nous voulons que la nôtre soit respectée ! Dites-leur enfin que si des princes d’Allemagne continuent de favoriser des préparatifs dirigés contre les Français, les Français porteront chez eux, non pas le fer et la flamme, mais la liberté ! C’est à eux de calculer quelles peuvent être les suites de ce réveil des nations. »
Louis XVI répondit qu’il prendrait en très-grande considération le message de l’assemblée ; et, quelques jours après, il vint lui annoncer en personne ses résolutions à cet égard. Elles étaient conformes au vœu général. Le roi dit, au milieu des applaudissements, qu’il ferait déclarer l’électeur de Trêves et aux autres électeurs que si, avant le 15 janvier, tous attroupements et toutes dispositions hostiles de la part des Français réfugiés ne cessaient point dans leurs états, il ne verrait plus en eux que des ennemis. Il ajouta qu’il écrirait à l’empereur, afin de l’engager, comme chef de l’empire, à interposer son autorité pour éloigner les malheurs qu’entraînerait une plus longue obstination de quelques membres du corps germanique. « Si ces déclarations ne sont pas écoutées, alors, messieurs, dit-il, il ne me restera plus qu’à proposer la guerre ; la guerre, qu’un peuple qui a solennellement renoncé aux conquêtes ne fait jamais sans nécessité, mais qu’une nation généreuse et libre sait entreprendre lorsque sa propre sûreté, lorsque son honneur, le commandent ! »
Les démarches du roi auprès des princes de l’empire furent appuyées de préparatifs militaires. Un nouveau ministre de la guerre avait remplacé Du Portail. Narbonne, choisi parmi les Feuillants, jeune, actif, ambitieux de se signaler par le triomphe de son parti et la défense de la révolution, se rendit sur-le-champ aux frontières. Cent cinquante mille hommes furent mis en réquisition ; l’assemblée vota, dans ce but, vingt millions de fonds extraordinaires ; on forma trois armées, sous le commandement de Rochambeau, de Luckner, et de La Fayette ; enfin on décréta d’accusation Monsieur, comte de Provence, le comte d’Artois, le prince de Condé, comme prévenus d’attentats et de conspiration contre la sûreté générale de l’état et de la constitution. Leurs biens furent séquestrés ; et le terme fixé précédemment à Monsieur pour rentrer dans le royaume étant expiré, il fut déchu de son droit à la régence.
L’électeur de Trêves, pris au dépourvu, s’engagea à dissiper les rassemblements, et à ne plus les permettre désormais. Tout se réduisit néanmoins à un simulacre de licenciement. L’Autriche donna l’ordre au maréchal de Bender de défendre l’électeur s’il était attaqué, et elle ratifia les conclusions de la diète de Ratisbonne. Celle-ci exigea la réintégration des princes possessi onnés ; elle ne voulut point qu’on les indemnisât en argent de la perte de leurs droits, et elle ne laissa à la France que le rétablissement de la féodalité en Alsace ou la guerre. Ces deux démarches du cabinet de Vienne étaient d’une nature peu pacifique. Ses troupes marchaient sur nos frontières, et prouvaient encore mieux qu’il ne fallait pas se fier à son inaction. Cinquante mille hommes se trouvaient dans les Pays-Bas ; six mille étaient postés dans le Brisgaw ; il en faisait venir trente mille de Bohême. Cette formidable armée d’observation pouvait, d’un moment à l’autre, devenir une armée d’attaque.
L’assemblée sentait qu’il était urgent de faire décider l’empereur. Elle considérait les électeurs comme ses prête-noms, et les émigrés comme ses instruments ; car le prince de Kaunitz reconnaissait pour légitime la ligue des souverains réunis pour la sûreté et l’honneur des couronnes. Les Girondins voulurent donc prévenir ce dangereux adversaire, pour ne pas lui donner le temps de se préparer. Ils exigèrent qu’il s’expliquât, avant le 10 février, d’une manière claire et précise sur ses véritables dispositions à l’égard de la France. Ils poursuivirent
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