Histoire de la Révolution française depuis 1789 jusqu'en 1814
les Jacobins, rendre à Louis XVI toute l’autorité que lui conférait la loi, et raffermir la constitution. Le parti révolutionnaire était dans la stupeur, et redoutait tout de la hardiesse et de la célérité de cet adversaire du Champ-de-Mars. Mais la cour, qui craignait le triomphe des constitutionnels, fit échouer elle-même les projets de La Fayette ; il avait indiqué une revue, qu’elle empêcha par son influence sur les chefs de bataillon royalistes. Les grenadiers et les chasseurs, compagnies d’élite mieux disposées encore que les autres, devaient se réunir chez lui, et marcher de là contre les clubs ; et il ne se présenta pas trente hommes. Ayant ainsi vainement tenté de rallier à la cause de la constitution et de la défense commune la cour et la garde nationale, se voyant délaissé par tous ceux qu’il venait secourir, La Fayette repartit pour son armée, après avoir perdu ce qui lui restait de popularité et d’influence. Cette tentative fut le dernier signe de vie du parti constitutionnel.
Alors l’assemblée revint naturellement à la situation de la France, qui n’avait pas changé. La commission extraordinaire des douze présenta, par l’organe de Pastoret, un tableau peu rassurant sur l’état et les divisions des partis. Jean Debry, au nom de la même commission, proposa, pour maintenir dans le calme le peuple, qui était extrêmement agité, d’annoncer que, lorsque la crise deviendrait imminente, l’assemblée le déclarerait par ces mots, La patrie est en danger, et qu’alors on prendrait des mesures de salut public. La discussion s’ouvrit sur cette proposition importante. Vergniaud peignit, dans un discours qui ébranla profondément l’assemblée, tous les périls auxquels, dans ce moment, la patrie était exposée. Il dit que c’était au nom du roi que les émigrés étaient réunis, que les souverains s’étaient confédérés, que les armées étrangères marchaient sur nos frontières, que les troubles intérieurs avaient lieu. Il l’accusa d’arrêter l’élan national par ses refus, et de livrer ainsi la France à la coalition. Il cita l’article de la constitution par lequel il était déclaré que, si le roi se mettait à la tête d’une armée et en dirigeait les forces contre la nation, ou s’il ne s’opposait pas par un acte formel à une pareille entreprise qui s’exécuterait en son nom, il serait censé avoir abdiqué la royauté . Mettant alors en supposition que Louis XVI s’opposait volontairement aux moyens de défendre la patrie, dans ce cas, disait-il, ne serions-nous pas en droit de lui dire : « Ô roi ! qui sans doute avez cru, avec le tyran Lysandre, que la vérité ne valait pas mieux que le mensonge, et qu’il fallait amuser les hommes par des serments comme on amuse des enfants avec des osselets ; qui n’avez feint d’aimer les lois que pourconserver la puissance qui vous servirait à les braver, la constitution que pour qu’elle ne vous précipitât pas du trône, où vous aviez besoin de rester pour la détruire, pensez-vous nous abuser aujourd’hui par d’hypocrites protestations ? pensez-vous nous donner le change sur nos malheurs par l’artifice de vos excuses ? Était-ce nous défendre que d’opposer aux soldats étrangers des forces dont l’infériorité ne laissait pas même d’incertitude sur leur défaite ? était-ce nous défendre que d’écarter les projets tendant à fortifier l’intérieur ? était-ce nous défendre que de ne pas réprimer un général qui violait la constitution, et d’enchaîner le courage de ceux qui la servaient ? La constitution vous laissa-t-elle le choix des ministres pour notre bonheur, ou notre ruine ? vous fit-elle chef de l’armée pour notre gloire, ou notre honte ? vous donna-t-elle, enfin, le droit de sanction, une liste civile, et tant de prérogatives, pour perdre constitutionnellement la constitution et l’empire ? Non ! non ! homme que la générosité des Français n’a pu rendre sensible, que le seul amour du despotisme a pu toucher… vous n’êtes plus rien pour cette constitution que vous avez si indignement violée, pour le peuple que vous avez si indignement trahi ! »
Dans la position où se trouvait la Gironde, elle ne comptait plus que sur la déchéance du roi ; Vergniaud, il est vrai, ne s’exprimait encore que d’une manière hypothétique : mais tout le parti populaire attribuait
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