Histoire de la Révolution française depuis 1789 jusqu'en 1814
l’armée d’invasion, en avait détaché la Suède ; le remplacement du ministre Blanca-Florida par le comte d’Aranda, homme prudent et modéré, avait empêché l’Espagne d’y entrer ; la Russie et l’Angleterre approuvaient secrètement les attaques de la ligue européenne, sans y coopérer encore. Après les événements militaires dont il a été rendu compte, on s’était observé de part et d’autre, plutôt qu’on ne s’était battu. Pendant ce temps, La Fayette avait donné de bonnes habitudes de discipline et de dévouement à son armée ; et Dumouriez, placé sous Luckner au camp de Maulde, avait aguerri les troupes qui lui étaient confiées par de petits engagements et des succès journaliers. Ils avaient ainsi formé le noyau d’une bonne armée, chose d’autant plus nécessaire qu’il était besoin d’organisation et de confiance pour repousser l’invasion prochaine des confédérés.
Le duc de Brunswick la dirigeait. Il avait le commandement général de l’armée ennemie, composée de soixante-dix mille Prussiens et de soixante-huit mille, Autrichiens, Hessois ou émigrés. Voici quel était ce plan d’invasion. Le duc de Brunswick devait, avec les Prussiens, passer le Rhin à Coblentz, remonter la rive gauche de la Moselle, attaquer la frontière de France par son point central, le plus accessible, et se diriger sur la capitale par Longwy, Verdun et Châlons. Le prince de Hohenlöhe devait opérer sur sa gauche dans la direction de Metz et de Thionville, avec les Hessois et un corps d’émigrés, tandis que le général Clairfait couvrirait sa droite avec les Autrichiens et un autre corps d’émigrés, culbuterait La Fayette, placé devant Sedan et Mézières, traverserait La Meuse, et marcherait par Reims et Soissons sur Paris. Ainsi, du centre et des deux côtés, de la Moselle, du Rhin et des Pays-Bas, on s’avancerait concentriquement sur la capitale. D’autres corps d’armée, postés sur la frontière du Rhin et sur l’extrême frontière du nord, devaient, en attaquant nos troupes de ces côtés, faciliter l’invasion centrale.
Le 25 juillet, au moment où l’armée s’ébranla et partit de Coblentz, le duc de Brunswick publia un manifeste au nom de l’empereur et du roi de Prusse. Il reprocha à ceux qui avaient usurpé les rênes de l’administration en France , d’y avoir troublé le bon ordre et renversé le gouvernement légitime ; d’avoir exercé contre le roi et sa famille des attentats et des violences renouvelés chaque jour ; d’avoir supprimé arbitrairement les droits et possessions des princes allemands en Alsace et en Lorraine ; enfin d’avoir comblé la mesure, en déclarant une guerre injuste à sa majesté l’empereur, et en attaquant ses provinces des Pays-Bas. Il déclara que les souverains alliés marchaient pour faire cesser l’anarchie en France, arrêter les attaques portées au trône et à l’autel, rendre au roi la sûreté et la liberté dont il était privé, et le mettre en état d’exercer son autorité légitime. En conséquence, il rendit responsables les gardes nationales et les autorités, de tous les désordres, jusqu’à l’arrivée des troupes de la coalition. Il les somma de revenir à leur ancienne fidélité. Il dit que les habitants des villes qui oseraient se défendre seraient punis sur-le-champ, comme des rebelles, selon la rigueur de la guerre, et leurs maisons démolies ou brûlées ; que si la ville de Paris ne mettait pas le roi en pleine liberté, et ne lui rendait pas le respect qui lui était dû, les princes coalisés en rendaient personnellement responsables, sur leurs têtes, pour être jugés militairement, sans espoir de pardon, tous les membres de l’assemblée nationale, du département, du district, de la municipalité, de la garde nationale ; et que si le château était forcé ou insulté, les princes en tireraient une vengeance exemplaire et à jamais mémorable, en livrant Paris à une exécution militaire et à une subversion totale. Il promettait, au contraire, aux habitants de Paris l’emploi des bons offices des princes confédérés auprès de Louis XVI, afin d’obtenir le pardon de leurs torts ou de leurs erreurs, s’ils obéissaient promptement aux ordres de la coalition.
Ce fougueux et impolitique manifeste, qui ne déguisait ni les desseins de l’émigration ni ceux de l’Europe ; qui traitait tout un grand peuple avec un ton de commandement et
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