Histoire de la Révolution française depuis 1789 jusqu'en 1814
de mépris vraiment extraordinaire ; qui lui annonçait ouvertement toutes les misères d’une invasion, et, par-dessus, le despotisme et des vengeances, excita un soulèvement national. Plus que toute autre chose, il hâta la chute du trône, et empêcha les succès de la coalition. Il n’y eut qu’un vœu, qu’un cri de résistance d’un bout de la France à l’autre ; et quiconque ne l’eût pas partagé eût été regardé comme coupable d’impiété envers la patrie et la sainte cause de son indépendance. Le parti populaire, placé dans la nécessité de vaincre, ne vit plus alors d’autre moyen que d’annuler le roi, et, pour l’annuler, que de le faire déchoir. Mais, dans ce parti, chacun voulut arriver au but à sa manière : la Gironde, par décret de l’assemblée ; les chefs de la multitude, à l’aide de l’insurrection. Danton, Robespierre, Camille-Desmoulins, Fabre-d’Églantine, Marat, etc., formaient une faction déplacée, à laquelle il fallait une révolution qui la portât du milieu du peuple dans l’assemblée et dans la municipalité. Ils étaient, du reste, les véritables chefs du nouveau mouvement qui allait se faire, au moyen de la classe inférieure de la société, contre la classe moyenne, à laquelle appartenaient les Girondins par leur position et leurs habitudes. La division commença de ce jour entre ceux qui ne voulaient supprimer que la cour dans l’ordre de choses actuel, et ceux qui voulaient y introduire la multitude.
Ces derniers ne s’accommodaient pas des lenteurs d’une discussion. Agités de toutes les passions révolutionnaires, ils se disposèrent à une attaque dont ils firent les préparatifs ouvertement et long-temps d’avance.
Leur entreprise fut plusieurs fois projetée et suspendue. Le 26 juillet, une insurrection devait éclater ; mais elle était mal ourdie, et Pétion l’arrêta. Lorsque les fédérés marseillais arrivèrent pour se rendre au camp de Soissons, les faubourgs devaient aller à leur rencontre, et marcher avec eux à l’improviste contre le château. Cette insurrection manqua encore. Cependant l’arrivée des Marseillais encouragea les agitateurs de la capitale, et il y eut entre ceux-ci et les chefs fédérés des conférences à Charenton pour le renversement du trône. Les sections étaient fort agitées ; celle de Mauconseil fut la première à se déclarer en insurrection, et elle le fit notifier à l’assemblée. On discuta la déchéance dans les clubs, et, le 3 août, le maire Pétion vint la demander au corps législatif au nom de la commune et des sections. La pétition fut renvoyée à la commission extraordinaire des douze. Le 8, on discuta la mise en accusation de La Fayette : par un reste de courage, la majorité le soutint vivement, et non sans péril. Il fut absous ; mais tous ceux qui avaient voté pour lui furent hués, poursuivis et maltraités par le peuple, au sortir de la séance.
Le lendemain, l’effervescence était extrême. Les constitutionnels se plaignirent des excès de la veille ; ils demandèrent qu’on fît partir les fédérés pour Soissons, et qu’on prît des mesures pour assurer la tranquillité de Paris et la liberté des délibérations. Les Girondins défendirent les fédérés. Sur ces entrefaites, on vint annoncer que la section des Quinze-Vingts avait déclaré que, si la déchéance n’était pas prononcée le jour même, à minuit on sonnerait le tocsin, on battrait la générale, et on attaquerait le château. Cet arrêté avait été transmis aux quarante-huit sections, et toutes l’avaient approuvé, hors une seule. L’assemblée manda le procureur-syndic du département, qui fit part de sa bonne volonté, mais de son impuissance, et le maire, qui répondit que, dans un moment où les sections avaient repris leur souveraineté, il ne pouvait exercer sur le peuple qu’une influence de persuasion. L’assemblée se sépara sans avoir pris aucune mesure.
Les insurgés fixèrent l’attaque du château au matin du 10 août. Le chef-lieu du soulèvement fut au faubourg Saint-Antoine. Le soir, après une séance très-véhémente, les Jacobins s’y rendirent en cortège : l’insurrection fut alors organisée. On décida de casser le département ; de consigner Pétion, afin de le soustraire aux devoirs de sa place et à toute responsabilité ; enfin, de remplacer le conseil général de la commune actuelle par une municipalité
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