Histoire de la Révolution française depuis 1789 jusqu'en 1814
n’était, selon eux, qu’un décret de proscription.
Louis XVI était depuis quelque temps plus froid avec ses ministres, qui se montraient aussi plus exigeants à son égard ; ils le pressaient d’admettre auprès de sa personne des prêtres assermentés, afin de donner un exemple en faveur de la religion constitutionnelle et d’enlever un prétexte aux troubles ; il s’y refusait avec constance, décidé à ne plus faire aucune concession religieuse. Les derniers décrets furent le terme de son union avec la Gironde ; il resta plusieurs jours sans en parler et sans faire connaître sa décision à cet égard. C’est alors que Roland lui écrivit sa fameuse lettre sur ses devoirs constitutionnels, et le pressa, pour calmer les esprits et pour affermir son autorité, de se faire franchement le roi de la révolution. Cette lettre aigrit davantage Louis XVI, déjà résolu à rompre avec les Girondins. Il était soutenu par Dumouriez, qui abandonnait son parti, et qui avait formé, avec Duranthon et Lacoste, une scission dans le ministère contre Roland, Servan et Clavière. Mais, en ambitieux habile, Dumouriez conseillait à Louis XVI de renvoyer les ministres dont il avait à se plaindre, et de sanctionner en même temps les décrets pour se populariser. Il lui présentait celui contre les prêtres comme une mesure de précaution en leur faveur, l’exil devant les enlever à une proscription peut-être plus déplorable ; il s’engageait à prévenir les suites révolutionnaires du camp des vingt mille hommes, en en faisant partir les bataillons pour l’armée au fur et à mesure de leur arrivée. À ces conditions, Dumouriez se chargeait du ministère de la guerre, et soutenait le choc de son propre parti ; mais Louis XVI renvoya les ministres, rejeta les décrets, et Dumouriez partit pour l’armée, après s’être rendu suspect. L’assemblée déclara que Roland, Servan et Clavière emportaient les regrets de la nation.
Le roi choisit ses nouveaux ministres parmi les Feuillants. Scipion-Chambonnas eut les affaires étrangères ; Terrier-Monteil, l’intérieur ; Beaulieu, les finances ; Lajarre, la guerre ; Lacoste et Duranthon restèrent momentanément à la justice et à la marine. Tous ces hommes étaient sans nom, sans crédit, et leur parti lui-même approchait du terme de son existence. La situation constitutionnelle, pendant laquelle il devait dominer, se changeait de plus en plus en situation révolutionnaire. Comment un parti légal et modéré aurait-il pu se maintenir entre deux partis extrêmes et belligérants, dont l’un s’avançait du dehors pour détruire la révolution, et dont l’autre voulait à tout prix la défendre ? Les Feuillants devenaient de trop dans cet état de choses. Le roi, qui sentait leur faiblesse, parut ne plus compter alors que sur l’état de l’Europe, et il envoya Mallet-Dupan, avec une mission secrète, auprès des coalisés.
Cependant tous ceux qui avaient été dépassés par le flot populaire, et qui appartenaient au premier temps de la révolution, se réunirent pour seconder ce léger mouvement rétrograde. Les monarchiens, à la tête desquels se trouvaient Lally-Tollendal et Malouet, deux des principaux membres du parti Mounier et Necker ; les Feuillants, qui étaient dirigés par l’ancien triumvirat Duport, Lameth et Barnave ; enfin, La Fayette, qui avait une immense réputation constitutionnelle, essayèrent de réprimer les clubs, de raffermir l’ordre légal et le pouvoir du roi. Les Jacobins remuaient beaucoup à cette époque ; leur influence devenait énorme ; ils tenaient la tête du parti de la multitude. Il aurait fallu leur opposer, pour les contenir, l’ancien parti de la bourgeoisie ; mais il était désorganisé et sa puissance déclinait chaque jour. Ce fut pour le relever que La Fayette écrivit, le 16 juin, du camp de Maubeuge, une lettre à l’assemblée, dans laquelle il dénonçait la faction jacobite ; il demandait la fin du règne des clubs, l’indépendance et l’affermissement du trône constitutionnel, et il pressait l’assemblée en son nom, au nom de son armée, au nom de tous les amis de la liberté, de ne prendre pour le salut public que des mesures avouées par la loi. Cette lettre excita de vives contestations entre le côté gauche et le côté droit de l’assemblée. Quoiqu’elle n’eût que des motifs purs et désintéressés, elle parut, de la part
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