Histoire de la Révolution française depuis 1789 jusqu'en 1814
insurrectionnelle. Les agitateurs se rendirent en même temps dans les sections des faubourgs et dans les casernes des fédérés marseillais et bretons.
La cour était depuis quelque temps avertie du danger, et elle s’était mise en défense. Peut-être, dans ce moment, crut-elle pouvoir, non-seulement résister, mais encore se rétablir entièrement. L’intérieur du château était occupé par des Suisses, au nombre de huit ou neuf cents ; par les officiers de la garde licenciée et par une troupe de gentilshommes et de royalistes, qui s’étaient présentés armés de sabres, d’épées et de pistolets. Le commandant général de la garde nationale, Mandat, s’était rendu au château avec son état-major pour le défendre ; il avait donné ordre aux bataillons les plus attachés à la constitution de prendre les armes. Les ministres étaient aussi auprès du roi ; le syndic du département s’y était transporté, et l’on avait mandé Pétion pour s’informer de l’état de Paris, pour obtenir l’autorisation de repousser la force par la force, et pour le garder comme otage.
À minuit, un coup de feu se fait entendre, les tocsins sonnent, la générale bat, les insurgés s’attroupent et s’enrégimentent ; les membres des sections cassent la municipalité, et nomment un conseil provisoire de la commune, qui se rend à l’Hôtel-de-Ville pour diriger l’insurrection. De leur côté, les bataillons de la garde nationale prennent la route du château, sont placés dans les cours ou aux principaux postes, avec la gendarmerie à cheval ; les canonniers occupent les avenues des Tuileries avec leurs pièces, tandis que les Suisses et des volontaires gardent les appartements. La défense est dans le meilleur état.
Cependant quelques députés, éveillés par le tocsin, s’étaient rendus dans la salle du Corps-Législatif, et avaient ouvert la séance, sous la présidence de Vergniaud. Avertis que Pétion était retenu aux Tuileries, et qu’il avait besoin d’être dégagé, ils le mandèrent à la barre de l’assemblée pour rendre compte de l’état de Paris. Sur cet ordre, on le relâcha au château : il parut devant l’assemblée, qui le renvoya à ses fonctions ; mais, à peine arrivé à l’Hôtel-de-Ville, il fut mis sous la garde de trois cents hommes par la nouvelle commune. Celle-ci, qui ne voulait pas d’autre autorité, dans ce jour de désordre, que les autorités insurrectionnelles, fit venir le commandant Mandat pour l’informer des dispositions prises au château. Mandat hésitait à obéir ; cependant, comme il ne croyait pas la municipalité renouvelée, et comme son devoir lui prescrivait de suivre ses ordres, il se rendit à l’Hôtel-de-Ville. En entrant, il vit des figures nouvelles, et il pâlit. On l’accusa d’avoir autorisé les troupes de faire feu sur le peuple ; il se troubla, fut envoyé à l’Abbaye, et, en sortant, la multitude l’égorgea sur les marches de l’Hôtel-de-Ville. La commune donna aussitôt le commandement de la garde nationale à Santerre.
La cour se trouva ainsi privée de son défenseur le plus résolu et le plus influent. La présence de Mandat, l’ordre qu’il avait obtenu d’employer la force en cas de besoin, étaient nécessaires pour décider la garde nationale à se battre. La vue des nobles et des royalistes l’avait beaucoup refroidie. Mandat lui-même, avant son départ, avait supplié la reine de renvoyer cette troupe, que les constitutionnels regardaient comme une troupe d’aristocrates ; mais elle avait répondu avec humeur, « Ces messieurs sont venus pour nous défendre, et nous comptons sur eux. » La division existait déjà entre les défenseurs du château, lorsque Louis XVI les passa en revue à cinq heures du matin. Il parcourut d’abord les postes intérieurs, qu’il trouva animés des meilleures dispositions ; il était suivi de madame Elisabeth, du dauphin et de la reine, à laquelle sa lèvre autrichienne, et son nez d’aigle plus plein que de coutume, donnaient un grand air de majesté . Le roi était extrêmement triste : « Je ne séparerai pas, dit-il, ma cause de celle des bons citoyens ; nous nous sauverons ou nous périrons ensemble. » Il descendit ensuite dans les cours, accompagné de quelques officiers-généraux. Dès qu’il arriva, on battit aux champs ; le cri de Vive le roi ! se fit entendre, et fut répété par la garde nationale ;
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