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Histoire des colonisations: Des conquetes aux independances, XIIIe-XXe siecle

Histoire des colonisations: Des conquetes aux independances, XIIIe-XXe siecle

Titel: Histoire des colonisations: Des conquetes aux independances, XIIIe-XXe siecle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marc Ferro
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autonome au sein de la République soviétique de l’Ouzbékistan, ce pays tadjik reconstruisit son identité, grâce à l’action des instituteurs notamment, et les Tadjiks contestèrent le « découpage à la hache » de l’ancien Turkestan russe, qui aboutissait au rattachement à l’Ouzbékistan de Boukhara et de Samarcande, foyers de la civilisation tadjik. Privés de leurscités, les Tadjiks eurent d’abord à prouver leur identité, ce qu’ils firent par la modernisation de leur langue, qu’ils revalorisèrent ainsi, en la dissociant de l’ouzbek et en substituant des caractères latins aux caractères arabes. « La latinisation s’inscrivit ainsi dans un projet d’affirmation nationale » (G. Jahangiri). Staline soutint le mouvement pour affaiblir les Ouzbeks, et pour autant que les Tadjiks représentaient les populations rurales les plus pauvres.
    Surtout, faire du Tadjikistan une République soviétique à part entière ouvrait de très vastes horizons…
    La création de la République du Tadjikistan, la « 7 e  République », se fit à partir des régions orientales de l’ancien émirat de Boukhara. Simple République autonome en 1925, elle fut élevée au rang de République soviétique quatre ans plus tard, une fois refermées les cicatrices de la lutte contre les Basmachis et oubliée l’aventure d’Enver Pacha, dont l’état-major s’était installé à Duchambé. Cette promotion était une réponse à la chute du roi Amamullah d’Afghanistan, un allié ; et pour que la République dispose d’une assise plus large, Moscou lui octroya la partie orientale du Gorno-Badakhchan — le toit du Pamir — qui, en vérité, était peuplé de Kirghizes et eût dû demeuré attaché à cette autre unité politique. C’est en effet au nom de l’identité persane du Tadjikistan que la création de cet État avait été valorisée, légitimée — en l’opposant à l’appartenance des autres Républiques autonomes au monde turc.
    Plus, la conception soviétique de l’histoire des Tadjiks faisait de ce territoire le foyer de la civilisation perse tout entière. Un jeune historien, Bobozdhan G. Gafurov, au demeurant Premier secrétaire du Parti communiste tadjik, rappelait que Spitanem qui, vingt-trois siècles plus tôt, avait chassé Alexandre le Grand de ces régions était un Tadjik, et que les Tadjiks avaient été les premiers à faire face à l’invasion mongole. Patrie du grand poète Firdūsī, le Tadjikistan aiderait les Perses à retrouver leurs vraies identité et culture subverties par le régime réactionnaire qui régnait à Téhéran. Moscou fit d’un révolutionnaire persan contemporain, Abulkasim Lakhuti, le poète national du Tadjikistan, qui, dans ses écrits, prophétisait quel’Iran bientôt ne serait plus souillé, deviendrait libre, « une terre soviétique ».
    Cette « souillure » était, bien entendu, la concession pétrolière de l’Anglo-Iranian Cy.
    Terre d’ancrage de la Perse régénérée, le Tadjikistan devait servir aussi de base de départ à une reprise de l’influence russe en Afghanistan. Vieille histoire, dont l’ultime retombée se produisit en 1979, car cette idée de greffer l’Afghanistan était demeurée vivante, du fait même de l’ingérence de ce pays dans la guerre civile soviétique, puisqu’il servait de base aux Basmachis et que leurs chefs s’y réfugièrent. Dans l’Encyclopédie soviétique, il était écrit que les peuples de ce pays sont des Tadjiks, des Ouzbeks, des Turkmènes, tous et chacun constituant des vraies nations en URSS. Le nombre des Tadjiks était évalué à deux ou trois millions, composant 24 % de la province d’Herat, 48 % de celle de Kaboul, etc. Les ethno-historiens soviétiques rappelaient qu’au XVIII e  siècle les tribus afghanes d’Akhmed Khan détachèrent le sud du khanat de Boukhara, les Tadjiks y perdant la région de Bakh, ce qui avait démantelé cet Etat — qui au vrai était multinational. Bref, ces rappels historiques devaient aider à une éventuelle récupération d’une partie de l’Afghanistan — et au moins à prévenir toute nouvelle intervention de Kaboul dans les affaires de l’ancien Turkestan.
    En créant la République autonome du Tadjikistan, en 1925, Staline avait envoyé ce message à ses dirigeants : « Salut au Tadjikistan, à la nouvelle République des travailleurs aux portes de l’Hindoustan… qu’elle serve de modèle et d’exemple aux

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