Histoire des colonisations: Des conquetes aux independances, XIIIe-XXe siecle
nationale. La baisse relative du nombre des mariages mixtes en pays d’Islam, de même que le refus de parler russe dans les pays Baltes constituent des indicatifs de cette résistance qui, en Ukraine, fut plus culturelle, politique et religieuse — comme en Géorgie.
— De son côté, le sentiment national russe a fini par réagir à son tour à la lente colonisation de certainesinstances soviétiques (la radio, la télévision, …) par les nationalités, Géorgiens, Arméniens, Juifs surtout — le sommet de l’État mis à part. Ce réveil du sentiment national grand-russe est ainsi l’envers de la résistance des nationalités : il est en tout cas, durant les années quatre-vingt, une des formes de l’opposition latente au régime.
Rien de commun, par conséquent, entre le statut des personnes et des institutions, dans les anciennes Républiques de l’URSS, et la situation en Algérie. En URSS, chacune des Républiques s’autonomisait de fait. La seule ressemblance, formelle, était qu’alors qu’en Algérie durant les années cinquante, vis-à-vis des Français, les « indigènes » se voulaient tantôt musulmans, tantôt arabes, tantôt algériens, de même, en Asie centrale, ils se veulent tantôt musulmans, tantôt turcs, ou persans, tantôt ouzbeks ou tadjiks.
A moins, comme ces derniers, de revendiquer d’être le véritable foyer de la nation persane… un exemple unique d’expansion par colonies interposées.
Les colonisés, instruments de l’expansionnisme. L’exemple tadjik
Dans le cadre soviétique, il n’est pas fait de différence entre les annexions que l’Occident définit comme la conquête d’une nation — par exemple, l’expansion russe puis soviétique dans les pays Baltes — et celles que l’Occident considère comme des colonies, l’Asie centrale notamment. Le statut des Républiques soviétiques a procédé de critères différents que l’idéologie « marxiste » a ciselés selon la nécessité du moment. En outre, dans son rapport avec ses voisins non soviétiques, Moscou a mis en place un modèle de relations qui a eu pour fonction de préparer l’insertion de ces nationalités encore non intégrées, ouvrant la voie à un expansionnisme sans limites. L’existence de partis communistes a donné sa consistance à une pratique inédite d’annexions menées par les sociétés elles-mêmes, ces sociétés soumises situées à l’intérieur de l’Empire il s’entend, qui devinrent les agents de cet expansionnisme.
Le processus s’est effectué en plusieurs étapes et defaçon différenciée. Il a atteint son degré ultime dans le cas du Tadjikistan.
Les premières figures de cette politique sont apparues lors de la reconnaissance de l’indépendance de la Finlande, en vertu du droit à l’autodétermination, « appliquée contre notre volonté, expliquait Staline, car elle était accordée non au peuple mais à la bourgeoisie, et de la main d’un gouvernement socialiste » (décembre 1917). Lorsque les bolcheviques finnois constituèrent un contre-gouvernement à Tammersford, Moscou le reconnut aussi. Premier glissement, le droit à l’autodétermination passait de la nation à la classe ouvrière. Il en alla de même en Ukraine, où le régime de Kharkov fut reconnu face à celui de la Rada de Kiev. Un deuxième glissement s’opéra lorsque, à la classe ouvrière, rétive, Moscou substitua « le parti de la classe ouvrière », comme instance de légitimité — ce qui fut le cas à Boukhara.
Autre manière : créer à l’intérieur de l’URSS un mouvement national aux frontières d’un voisin dont on revendique une part des territoires. Cette pratique fut inventée en Carélie (russe) avec vues sur la Carélie (finnoise), puis en Biélorussie (où il existait un mouvement autonomiste avant 1917, mais les socialistes en niaient la légitimité. Après 1920, Staline encouragea les Biélorusses à revendiquer des parties de la Lituanie et de la Pologne).
Ces deux méthodes se rejoignirent plus ou moins en Azerbaïdjan soviétique et iranien, mais plus encore en Tadjikistan, ouvrant des horizons infinis à l’imaginaire expansionniste de Staline.
Correspondant plus ou moins à l’antique Sogdiane, foyer d’une civilisation qui sécréta Avicenne et Firdūsī, le pays tadjik a longtemps été l’enjeu d’une rivalité entre Boukhara et Khokand, persanophone, et sous la domination des Ouzbeks, turcophones. Devenu région
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