Histoire des colonisations: Des conquetes aux independances, XIIIe-XXe siecle
comité de la publication Vie des nationalités . A l’origine le Narkomnats , Commissariat aux nationalités, fut composé de non-Russes, bien qu’il fût difficile de trouver des bolcheviques dans chaque nationalité.
— La régénération des cultures nationales, victimes de larussification à l’époque tsariste ; elle put aller jusqu’à une véritable résurrection, en Arménie par exemple, voire autorévélation chez certains peuples du Caucase. De la sorte, il était mis fin à un certain nombre de frustrations, explicites ou latentes. En ce sens, aucun régime n’a autant agi en faveur des cultures minoritaires, les utilisant dans l’intérêt de l’État soviétique : par exemple celle des Kalmouks. Cette politique servit aussi — ultérieurement — à dresser les uns contre les autres les peuples du Turkestan : Ouzbeks, Kazaks, Tadjiks, etc.
Il y avait là, en germe, une contradiction entre la vision marxiste du développement des sociétés que la soviétisation incarnait, et une pratique lénino-stalinienne concernant les ethnies et les nations. Elle se révéla un demi-siècle plus tard…
— La constitution de toute une constellation d’entités nationales, fédérales, étatiques, s’emboîtant les unes dans les autres comme des poupées russes (Républiques fédérales, Républiques autonomes, Régions, Territoires), a permis de constituer une intelligentsia non russe et de lui confier sur place des fonctions para-étatiques, au moins au niveau de la représentation, sinon de la réalité des pouvoirs. Mais, avec le temps, ces fonctions se sont multipliées et étendues. Les effets s’en sont fait sentir pendant la perestroïka : à Bakou, en Azerbaïdjan, la police était azéri, et contre les Arméniens ; à Erevan, elle était arménienne, etc.
— L’injection d’un nombre croissant de cadres non russes dans le système constitutionnel fédéral, à l’échelon pansoviétique, fut une politique constante. En témoignent, après Staline et Mikoian, les fonctions de Khrouchtchev, Cheverdnadze, etc. Cette pénétration fut lente mais irréversible et ininterrompue. Toutefois, au sommet de l’État soviétique, on assiste à un retournement de tendance depuis le milieu des années vingt, notamment au Comité central du Parti où les Russes sont, proportionnellement, de plus en plus nombreux.
Le contraste avec le trait qui précède rend compte de quelques-unes des données de la disparition de l’URSS, en 1989. Il n’y a plus guère de non-Slaves au sommet de l’Étatsoviétique, mais plus guère de Russes aux commandes des Républiques du Caucase ou d’Asie centrale.
— La création du statut de la double nationalité, fédérale et nationale, ressentie par la majorité des non-Russes comme une promotion politique, fut au contraire considérée comme une mesure vexatoire par les citoyens dont la nationalité n’avait pas de statut territorial, notamment les Juifs. La liberté donnée à chacun de choisir sa propre nationalité resta fictive : si ces citoyens se voulaient juifs, il y avait un renoncement ; s’ils se voulaient soviétiques, le choix de la nationalité se heurtait à l’hostilité ou à la réaction raciste des fonctionnaires de la nationalité en question, en Ukraine ou en Russie surtout. Cette situation suscita la création de la République du Birobidjan, destinée aux Juifs, en Sibérie orientale, un District, devenu région autonome en 1934, où ne vivent plus que 100 000 Juifs à la veille de la perestroïka.
— La soviétisation, par la loi, des Russes et des non-Russes a abouti à une égalisation des statuts, à une uniformisation des cultures politiques, d’une extrémité de l’URSS à l’autre. Pourtant, avec la réaction stalinienne et les violences qui l’accompagnent, notamment à l’encontre des nations que la Seconde Guerre mondiale mit en relation avec les Allemands (Tatars de Crimée, Ingouches, Allemands de la Volga, etc.), la soviétisation fut ressentie, aussi bien en Ukraine que, après la guerre, dans les pays Baltes et en Moldavie, comme une reprise de la russification dans la mesure où le haut de la hiérarchie ne cessait de se russifier. La multiplication des lois communes à toute l’URSS, sans être nécessairement marquées du sceau de la Russie, fut reçue comme telle, pour autant que l’uniformisation des statuts pût être considérée comme la subversion des traits spécifiques de l’identité
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