Histoire des colonisations: Des conquetes aux independances, XIIIe-XXe siecle
de 1726 à 1834. Ainsi, un grand nombre de provinces étaient souvent indépendantes de fait, tout en reconnaissant leur allégeance — une situation qui aboutissait à de nombreux conflits armés, intérieurs, notamment entre le dey d’Alger, le Maroc et la Tunisie dont le bey finit par. supplanter le dey.
Colonisation sans colons, sans véritable administration centralisée autre que fiscale, sans politique de turquisation, et seulement garantie par des troupes émanant en partie des « nations » ou provinces le constituant, l’Empire ottoman perdait peu à peu son autorité, sauf coups de semonce et d’intimidation.
L ’ IDENTITÉ ARABE , SES CONTRADICTIONS
La première est la suivante.
D’un côté, les peuples arabes d’Orient, à l’abri de l’Occident, revendiquaient, l’Égypte surtout, une indépendance de jure que celle-ci acquérait à l’époque de Méhémet-Ali ; mais, pour ce faire, l’Égypte n’hésitait pas à faire appel à l’Occident… D’autre part, au sein de ces pays arabes d’Orient, la révolte sourd contre l’Ottoman pour autant que l’« Homme malade » se défend mal contre l’Occident qui est en voie de le coloniser. La nation arabe prend son essor dans ce contexte, étant entendu que l’unité ne peut se faire qu’en désislamisant le mouvement, pour avoir avec soi les Arabes chrétiens de la Syrie et du Liban, et les coptes d’Égypte.
Le mouvement « nationalitaire » (Abd el-Malek) se trouvait ainsi devant une difficulté essentielle : l’identification de l’Islam au monde arabe et du monde arabe à l’Islam devait être deux fois oblitérée pour cette raison tactique mais aussi parce que le Sultan était le Commandeur des Croyants.
La pensée politique arabe du XIX e au XX e siècle se trouva ainsi confrontée à cette contradiction : choisir la modernité pour mieux résister à la pénétration du monde occidental ; mais que reste-t-il alors de l’identité arabe, sinon la langue et l’attachement à la patrie territoriale ; alors, par contre-coup, ce choix ne peut que ressusciter un Islam fondamentaliste, qui conteste l’idée de nation ainsi conçue et veut retrouver les sources de la vraie foi.
La recherche de l’identité se trouve ainsi au cœur de la revendication arabe, qu’elle s’exprime en Égypte, en Syrie ou ailleurs. Un texte de Rifa’a Rafi El-Tah Tawi, édité au Caire en 1869, vise à séparer la politique de la religion, à faire du travail la source de toute valeur, à revendiquer l’égalité de tous les citoyens, quelle que soit leur religion, au sein de la patrie : on trouve là des traces de Saint-Simon et des écrivains des Lumières. « C’est la patrie qui doit être le lieu de notre commun bonheur, bâti par la liberté, la pensée et l’histoire. » Pour sa part, ‘Abdallah Al-Nadim, lié au mouvement de la Jeune-Égypte , et qui devientl’orateur officiel du pays après la révolution de 1882, juge que « la fusion des musulmans et des coptes a été la digue qui a préservé l’Égypte de la propagande de l’Occident. Il faut savoir nous mettre au diapason des autres nations » (cité in Abd el-Malek, La Pensée politique arabe contemporaine ). Après la défaite, arrêté, il finit par être gracié ; Londres le surveille et le Sultan veut le neutraliser.
Watan
Une étape de plus est franchie dans la direction de la modernité lorsque Taha Hussein, formé à l’université d’Al-Azhar du Caire, et premier docteur ès lettres du monde arabe, introduit une dimension historique à cette quête de l’identité, s’interrogeant sur la vocation de l’Égypte, méditerranéenne ou orientale… Il lui paraît clair que l’appartenance à l’Orient n’existe que compte tenu de l’unité de religion, ou d’échanges politiques temporaires. « Or l’Histoire a établi que l’unité de religion ou de langue ne saurait constituer une base valable pour l’unité politique, ni un fondement pour la constitution des États. Les musulmans eux-mêmes ont renoncé depuis longtemps à prendre l’unité religieuse ou linguistique pour fondement de la royauté, ou pour base de l’État. […] Ils ont fondé leur politique, dès le II e siècle de l’Hégire, sur des avantages pratiques, sur eux seuls. De sorte que, dès le IV e siècle de l’Hégire, le monde musulman prit la place de l’État musulman. Les nationalités faisaient leur apparition, et les États proliféraient…
Weitere Kostenlose Bücher