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Histoire des colonisations: Des conquetes aux independances, XIIIe-XXe siecle

Histoire des colonisations: Des conquetes aux independances, XIIIe-XXe siecle

Titel: Histoire des colonisations: Des conquetes aux independances, XIIIe-XXe siecle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marc Ferro
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pu causer la politique française dans le protectorat pendant trente ans.
    Depuis qu’avait été publié à Lausanne, à la suite du Congrès des nationalités, Tunisie et Algérie, protestation contre le despotisme français , en 1917, rien n’avait changé. Le Destour avait essayé d’associer le bey aux revendications des nationalités qui demandaient l’élection, par les seuls Tunisiens, d’une assemblée avec un gouvernement responsable devant elle. Le bey dut désavouer son Premier ministre qui avait transmis la demande (1922). Dix ans plus tard, des « lois scélérates » devaient juguler la presse tunisienne, et commença alors le proconsulat autoritaire de Marcel Peyrouton. Le Destour ne semblant pas à la hauteur des épreuves que subissaient les Tunisiens, une scission vit naître le Néo-Destour de Habib Bourguiba, moins attaché à l’Islam, mais plus revendicatif. La guerre des deux Destour, le vieux et le nouveau, commençait : à l’origine de la montée de Bourguiba, il y avait eu une grèveà Monastir, en 1934 — en 1938, une émeute éclate à Tunis qui aboutit à la proclamation de l’état de siège, à l’arrestation des chefs du Néo-Destour, à la dissolution du parti. Entre-temps, le Néo-Destour était devenu un parti fortement implanté, avec près de 400 cellules, une organisation de jeunes, etc., mais ce coup le frappa d’autant plus durement que le vieux Destour crut bon, en l’occurrence, de l’accabler. Puis, en 1943, le bey fut destitué par le général Giraud, pour « collaboration », alors qu’en fait il lui était reproché de choisir ses ministres sans consulter le président.
     
     
    La situation au Maroc présentait quelque similitude avec celle de la Tunisie, les gouverneurs et résidents ayant une vision sommaire du développement du nationalisme dans ce pays. « Le Maroc, dont la France a fait l’unité, doit se détourner des combinaisons orientales », déclarait le général Juin, nouveau résident au lendemain de la guerre. Par là, il entendait stigmatiser la greffe du Maroc sur le monde arabe islamique qui, en Orient au moins, sous l’égide du Grand Mufti de Jérusalem, avait montré sa germanophilie et soufflé sur le nationalisme des pays dépendant de l’Angleterre et de la France. Certes, une certaine germanophilie avait toujours régné au Maroc, depuis le discours de Guillaume II à Tanger, en 1905 ; et la défaite française, en 1940, n’avait pu susciter qu’un vif plaisir dans ce pays. Mais elle n’avait pas eu l’occasion de se manifester en présence des troupes allemandes, comme en Tunisie, et c’est sur les Américains que comptait le sultan pour retrouver son indépendance : F.D. Roosevelt lui avait rendu visite lors de la conférence d’Anfa-Casablanca (janvier 1943), et Mohammed V avait retenu les termes du pacte de l’Atlantique Nord.
    Or, les Français voulurent ignorer le loyalisme du sultan comme ils avaient ignoré celui de Bourguiba. Les « combinaisons orientales » dont parlait le général Juin étaient, bien sûr, ces revendications que le sultan formulait en vertu du traité de protectorat de 1912.
    Au vrai, comme en Inde, ce furent les maladressescalculées de l’administration qui, depuis trente ans, avaient suscité la colère des Marocains. La guerre du Riff était tout juste achevée, ayant soulevé quelques espoirs chez les nationalistes, que la Résidence transforma un dahir (décret) pris sous l’inspiration de Lyautey, en 1914, et qui prescrivait de respecter les coutumes berbères, en un dahir beaucoup plus radical qui, en 1930, reconnaissait la compétence judiciaire des djemaas et créait des tribunaux coutumiers ; la juridiction française serait compétente pour la répression des crimes commis en pays berbère, quelle que soit la condition de l’auteur du crime. Le sultan dut signer ce dahir qui retirait la compétence au Haut Tribunal chérifien. Abus juridique, faute politique, cette mesure avait pour but de soustraire les Berbères à la juridiction du sultan arabe. Elle suscita une montée de fièvre nationaliste qu’anima Chekib Arslan, un féodal libanais formé à l’école de Djemal Ed Din El-Afghani, un « prince de l’éloquence » arabe. « La chrétienté menaçait l’Islam, le dépouillait de ses droits, voulait convertir de force les musulmans… »
    Cette campagne fut une des premières à témoigner de l’existence d’une sorte de communauté islamique,

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