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Histoire des colonisations: Des conquetes aux independances, XIIIe-XXe siecle

Histoire des colonisations: Des conquetes aux independances, XIIIe-XXe siecle

Titel: Histoire des colonisations: Des conquetes aux independances, XIIIe-XXe siecle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marc Ferro
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une sorte d’inversion croisée des courbes ; au temps où l’impérialisme colonial vivait en harmonie avec le dynamisme économique, l’opinion publique boudait plus ou moins l’expérience coloniale — alors qu’ultérieurement elle s’y ralliait au moment où une partie du monde des affaires s’en détachait. Mais y a-t-il eu délestage ?
    L’État, quant à lui, pratiquait la politique des sacrifices. En Afrique du Nord, par exemple, l’aide financière métropolitaine directe a quadruplé, de 1948 à 1951, et, pendant la même période, 15 % des investissements français sont allés à l’outre-mer, atteignant 20 % en 1955. Jacques Marseille a calculé que 9 % des impôts payés par les contribuables français l’étaient en vue de dépenses effectuées outre-mer ; mais, « loin de faire étalage de l’ampleur de cet effort financier, il semble que l’administration française se soit ingéniée à le dissimuler » ; ce qui devait contribuer à élargir le malentendu croissant entre élites indigènes et représentants français, le bénéfice « moral » n’étant pas à la hauteur des sacrifices consentis, jugeait l’un d’entre eux. C’est que les populations, souvent, n’en étaient pas conscientes pour autant qu’en Afrique du Nord, par exemple, les fruits de ces efforts allaient pour une bonne part aux colons, aux fonctionnaires mêmes, aux sociétés surtout. Certes, il y avait des retombées visibles qui bénéficiaient à toute la population, mais difficiles àmesurer. D’autre part, les colons voyaient leur niveau de vie, sur trois générations, monter plus vite que celui des Arabes… ou des métropolitains. Comment mesurer cet avantage ?
    Simultanément, la part des importations coloniales en provenance de la métropole avait remonté, de 27 % en 1938 à 44 % en 1952, 450 000 personnes travaillant, en France, pour l’outre-mer. Et, précisément, un des arguments des défenseurs de l’Empire, d’un point de vue économique ou social, faisait valoir que sa perte déclencherait une immense vague de chômage.
    Globalement, les groupes financiers ont eu, vis-à-vis du problème colonial, une attitude d’expectative prudente : quelques groupes, très rares, ont pu être favorables à l’indépendance — tel le groupe Walker, mines de Zellidja, allié à la banque Morgan —, mais la grande majorité des « gros » sont demeurés neutres, alors que les moyens et plus petits, comme la masse des colons, étaient généralement hostiles à l’indépendance.
    Ceux-ci, tout comme ce qui survivait du « parti colonial » dénonçaient le défaitisme métropolitain, ce qui, selon l’idée de Gabriel Puaux, du Comité central de la France d’outre-mer, ne visait pas seulement les communistes ou les anticolonialistes, mais bien les « défaitistes ». Parmi lesquels se trouvaient ceux qui, dans l’administration, jugeaient trop lourde la charge coloniale, car elle contraignait la métropole à réduire ses propres investissements chez elle.
    Tel est le fondement de ce qu’on a appelé le cartiérisme, théorie énoncée de façon insolite dans Paris-Match , ce qui fit sa notoriété, car d’autres avaient déjà tenu des propos similaires, Pierre Moussa, Raymond Aron — mais sans que cela ait eu de l’écho.
    L’idée de Raymond Cartier était que ni la Suisse ni la Suède, pays stables et prospères, n’avaient jamais eu de colonies ; et que la Hollande, qui n’avait plus d’Empire, était plus riche désormais qu’elle ne l’était auparavant.
    « Elle a perdu ses colonies dans les pires conditions, alors qu’il était admis comme un axiome que son existence était basée sur les Indes orientales, bouquet de trésors,pétrole, caoutchouc, riz, thé, café, étain, coprah, épices. […] Il a suffi de quelques années pour qu’elle connaisse plus de prospérité et de bien-être qu’autrefois. Elle ne serait peut-être pas dans la même situation si, au lieu de moderniser ses usines et d’assécher le Zuiderzee, elle avait dû construire des chemins de fer à Java, couvrir Sumatra de barrages, payer des allocations familiales aux polygames de Bornéo. »
    Le gaspillage que Raymond Cartier avait observé lors d’une enquête en Afrique noire était à l’origine de ces formules qui connurent le succès : « Peut-être eût-il mieux valu faire un Office de la Loire qu’un Office du Niger, construire à Nevers le super-hôpital de

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