Histoire des colonisations: Des conquetes aux independances, XIIIe-XXe siecle
Siegfried).
Et puis ce fut, bien sûr, l’épreuve de la Seconde Guerre mondiale qui a précipité cette déchéance.
En 1939, encore, la Grande-Bretagne avait un commerce « inter-nations » comparable à celui des États-Unis, et une puissance industrielle aussi développée que celle de l’Allemagne. En tout cas, Londres était la plus grande place pour l’exportation des capitaux. La mobilisation à outrance, pendant les quatre années de guerre, transforma le pays, qui devint débiteur même de ses possessions impériales : ainsi avec l’Inde, naguère débitrice et désormais créancière d’un milliard de livres sterling. En outre, la guerre froide et les conflits au Moyen-Orient continuaient à obérer le budget, alors que l’Allemagne et le Japon, voire l’Italie, concurrents industriels, pouvaient reconstruire sans avoir à supporter ces fardeaux. A lire Hugh Dalton, chancelier de l’Échiquier, la crise économique et financière de la fin des années quarante ne contribua pas peu au décrochage de la Grande-Bretagne en Inde, en Birmanie, à Ceylan, en Palestine. La faiblesse économique et le coût des opérations militaires susceptibles de freiner les mouvements nationalistes accélérèrent également bien des départs après 1960.
Ailleurs, ces difficultés eurent un effet cumulé, une sorte de parcours inverse. Se tourner vers ces colonies proprement dites tropicales, essentiellement pour se procurer des matières premières ou des produits finis — afin de ne pas les payer en dollars —, conduisit à un contrôle resserré sur la production de certains de ces pays — ce qu’on a appelé la deuxième occupation coloniale , notamment en Malaisie pour le caoutchouc, en Afrique noire aussi. Associées à la zone sterling, ces colonies-là devaient demeurer solidaires de l’économie britannique, ce qui amena un regroupement avec des pays, notamment l’Australie, l’Afrique du Sud, l’Inde qui jusque-là n’avaient de lien commercial qu’avec Londres. Mais, en échange, le prix à payer pour les Anglais fut de leur concéder un pouvoir, sur place, qui les rendait semi-indépendantes. La Malaisie, le Ghana et le Nigeria étaient sur la voie de l’indépendance dès le milieu des années cinquante sans qu’on puisse l’imputer directement à la faiblesse de la nation suzeraine. Les effets en furent « obliques ».
On peut considérer également que la décision de la Grande-Bretagne de se joindre à la construction européenne, en 1961, quelles qu’aient pu être les réserves associées à ce choix, témoigné d’un relatif désengagement vis-à-vis de l’Empire — même si la « préférence impériale » continua d’être le dogme et la loi du gouvernement britannique. Globalement, de 1950 à 1970, le commerce de la Grande-Bretagne avec son Empire est ainsi passé de la moitié au quart du total de ses échanges. On observe une réorientation globale, une sorte de désengagement économique qui exprime un désintérêt relatif pour un système de relations qui avait fait son temps, et auquel se substituait un jeu d’interconnexion plus dynamique avec des partenaires européens, américains ou japonais. Ainsi prenait fin un système global mondial dont la Grande-Bretagne avait été le pivot.
Dans ce contexte, les dépendances d’outre-mer n’avaient plus besoin d’être maintenues dans le carcan de l’ancien système politique. Les multinationales pouvaient désormais utilement se substituer à lui.
En France , l’aspect économique du problème colonial estanalysé d’une manière plus abrupte, par le « coût » que représente l’Empire. Jusqu’en 1930, l’Empire avait-il été une « bonne affaire » ? En 1913, pour sa conquête, il avait coûté, par an, 20 % des dépenses ordinaires de l’État ; sa conservation et sa gestion revenaient à 7 % environ de ces mêmes dépenses ordinaires — traitements des gendarmes et des fonctionnaires, etc. A cette date, la banque d’Indochine réalisait des taux de profits de 69 %, et les mines d’Ouargla de 120 %. De 1913 à 1929, l’Empire est devenu le premier partenaire commercial et le premier actif financier. Il coûte à l’État, mais rapporte au privé.
Pourtant, dès la crise de 1929, les procédures d’un divorce sont instruites ; cela tient d’abord à la déchéance d’industries qui avaient leur meilleur débouché aux colonies : textile, alimentation ; cela tient aussi à
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