Histoire des colonisations: Des conquetes aux independances, XIIIe-XXe siecle
fer de lance de la colonisation anglaise à la fois au Canada, en Australie et en Inde. Ce fut grâce à ces investissements massifs de capitaux britanniques que cet équipement en chemins de fer fut possible, 60 % des capitaux recueillis à Londres entre 1865 et 1894 l’avaient été à cette fin. Mais ce furent les entrepreneurs locaux qui assurèrent le développement de la production : les capitaux britanniques avaient eu pour fonction principale de créer les préconditions du démarrage économique et de la croissance.
Certes, les exportations de capitaux se firent au détriment des investissements en Angleterre même, mais cela permit à ces nouveaux pays, les dominions surtout, de se développer et d’acheter à l’Angleterre. Il n’y eut de dysfonctionnement que lorsque le Canada commença à se fournir en biens d’équipement aux États-Unis.
Ce furent les colonies de peuplement qui bénéficièrent le plus de cette nouvelle donne. La part de l’Empire dans les importations anglaises passa de 1 % à 25 % pour la viande, de 0,5 % à 48 % pour le blé ; mais elle baissait pour le sucre (des Antilles surtout) à cause de la concurrence du sucre de betterave européen ; pour le café, où le Brésil pritle meilleur sur Ceylan ; pour l’indigo, supplanté par les inventions de la chimie. Au total, entre 1854 et 1913, la part totale des importations en provenance de l’Empire augmenta à peine de 22 à 25 %, mais un retournement se fit aux dépens des anciennes possessions ; ainsi elle augmenta peu en proportion par rapport aux importations venues d’ailleurs, mais sa valeur n’en avait pas moins quadruplé. Quant aux exportations dans l’Empire, leur montant se multiplia par huit.
Le fait important est que le commerce impérial progressa, même quand les exportations de capitaux vers l’étranger diminuèrent : si la part de l’Empire baissa pendant les périodes de prospérité générale (par exemple 1868-1872), elle augmenta pendant les dépressions, jouant le rôle de soupape.
Les progrès de la concurrence étrangère sur les marchés impériaux furent réels, au Canada surtout, dès que les importations de cet Empire ne portèrent plus comme auparavant sur les textiles, mais sur les biens d’équipement, et dès que ces pays furent équipés en chemins de fer. Le matériel électrique, les machines et l’automobile vinrent souvent d’ailleurs exclusivement d’Angleterre ; mais par ailleurs, si les dominions vendaient des biens alimentaires et des matières premières, les dividendes rapportés allaient, en partie aussi, à l’Angleterre.
Grâce à ce système, l’Angleterre se trouva ainsi au centre d’un système mondial de règlements multilatéraux, alors qu’auparavant il en existait seulement de segmentaires.
Et, alors que le premier partnership entre l’Angleterre et ses colonies avait abouti à une crise grave, l’indépendance américaine, le deuxième, qui assura son hégémonie à la City, garantit la self-sufficiency impériale — son autonomie vis-à-vis du reste du monde.
Quant à la corrélation entre l’évolution économique et la politique d’expansion territoriale, elle semble en partie illusoire. Certes, à l’époque de Disraeli ou de Chamberlain, elle exista par phases synchrones, mais cela compta moins que cette fonction de relais de l’Empire qui contribuait à assurer une domination mondiale à l’économieanglaise. Au reste, les territoires annexés pendant les périodes d’hystérie expansionniste n’ont guère été que des zones sans intérêt économique particulier, l’Afrique du Sud faisant exception. Les motivations d’ordre psychologique ont joué un rôle plus grand que l’incitation économique.
Mais avec la Grande Guerre, et plus encore la crise de 1929, un renversement complet s’est opéré. Pour résister à la dépression puis à la concurrence étrangère, les rêves d’isolement impérial ont essayé de prendre corps — surtout après les accords d’Ottawa. Le thème en fut la self-sufficiency impériale, mais bientôt la self-insufficiency de l’Empire détermina la décadence économique de l’Angleterre… La tendance de l’Angleterre à se retourner vers son Empire strictement colonial — tandis que cet Empire des dominions devenait de plus en autonome — s’avéra une politique sans issue : il était impossible à la Grande-Bretagne « de s’enfermer dans un système ainsi clos » (A.
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