Histoire des colonisations: Des conquetes aux independances, XIIIe-XXe siecle
Espagnols dans le Mexique colonial , observe que la couleur de l’habit des franciscains change au Mexique ; alors que le beige traditionnellement y existe, précisément pour le froc des pauvres, ils choisissent le bleu, la couleur que les Mexicains associaient symboliquement au Dieu guerrier du Soleil, Huizilopotchli, dont le temple en ruine servit de base aux premières fondations franciscaines. Cette colonisation inversée se traduit par toutes sortes d’emprunts, depuis la tunique de coton matelassée, l’ ichcahuipilli hispanisé en escaupil , jusqu’aux mets de bouche, dont l’inventaire est bien connu : le chocolat, le tabac, le haricot, etc., la tortilla de maïs surtout, car sa récolte, sa mouture, sa préparation demandent bien moins de travail que le pain de froment ; et sa consommation contribue à cette « paresse » dont l’Espagnol s’imprègne sans effort. Dans les villages isolés, plus qu’ailleurs, mais dans les villes aussi, les habitudes indiennes « contaminent » ainsi les Espagnols, dont les petits sont élevés le plus souvent par des nourrices indigènes et que servent aussi des cuisinières du pays… L’emploi du temps traditionnel se trouve donc sollicité par toutes sortes d’habitudes nouvelles : ainsi, note-t-on dès le XVIII e siècle, le créole mange presque toute la journée ; il prend du chocolat le matin, déjeune à neuf heures, mange quelque chose à onze, et peu après midi fait un repas. Après la sieste, il reprend du chocolat et dîne plustard. Cette habitude généralisée d’une consommation à répétition s’associe à des conditions qui, à la différence de l’Europe, excluent la conservation — peu de salaisons, peu de fumaisons. Le créole vit ainsi de fruits, légumes et produits frais, et non dans l’organisation d’une production destinée à l’avenir. Il vit au présent, dans le temps court, pas dans le temps long comme son cousin l’Espagnol.
Autre trait : on reconnaît le créole à son costume, celui-ci traduisant une appartenance sociale et ethnique. Alors que la plupart des Indiens sont nus, que certains d’entre eux qui veulent être assimilés aux métis portent des bas et des souliers et que les Noirs et mulâtresses recherchent de somptueux atours pour se distinguer, l’Espagnol de sang doit multiplier les surenchères, porter des armes et se couvrir de bijoux. Ce luxe ostentatoire fait contraste avec la simplicité indienne, mais il est aussi la réplique nécessaire aux anciennes cours aztèques ou incas. Par ailleurs, vis-à-vis de la métropole, il doit, débarquant à Cadix, marquer la munificence des Amériques par rapport à l’Espagne.
Ainsi, aux Amériques, le créole se différencie peu à peu du métropolitain, à la fois par des traits que son statut exige, et par des emprunts, conscients ou non, à la civilisation des vaincus.
Sans doute les Indiens ont-ils été bien convertis, mais ils ne sont pas restés seulement idolâtres, ils ont pu contaminer les individus de sang mêlé et même, quelquefois, les créoles et leurs prêtres — de sorte qu’il s’est mis en place un mécanisme de colonisation inversée .
Est-ce un hasard si les pères d’une identité créole, idéologues des mouvements d’indépendance, ont parfois été des curés, tels Hidalgo et Morelos au Mexique, plus proches que d’autres des Indiens et des métis ?
Les Anglo-Indiens : évolution des rapports à la colonie
L’Inde anglaise est bien un des cas où l’on dispose d’informations anciennes sur le problème des rapportsentre colonisés et colonisateurs, les mariages mixtes…
Dès 1793, Henry Dundas, président du Board of Control de l’ East Indian Company , attirait l’attention sur le danger d’une trop nombreuse présence d’Anglais dans le pays, « car cela affecterait l’idée qu’ont les indigènes de la supériorité de l’homme européen ». Ce jugement visait les Eurasiens, dont cette même Compagnie souhaitait pourtant la multiplication un siècle plus tôt… Or, rupture radicale, une décision de 1791 exclut les métis du droit d’exercer des fonctions dans la Compagnie.
Ce coup d’arrêt changea toute la situation.
La raison invoquée était que les Indiens méprisaient ces Eurasiens et que tout le prestige de la Compagnie en subissait le contrecoup. Et puis, vivant aristocratiquement, ses directeurs toléraient mal qu’un sang-mêlé pût accéder aux plus hautes fonctions. Une
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