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Histoire des colonisations: Des conquetes aux independances, XIIIe-XXe siecle

Histoire des colonisations: Des conquetes aux independances, XIIIe-XXe siecle

Titel: Histoire des colonisations: Des conquetes aux independances, XIIIe-XXe siecle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marc Ferro
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— comme celui de l’Escorial — favorisait d’ailleurs cette lente substitution d’un type de travailleurs à un autre, car le transport et la vente des esclaves sur le continent comportaient pour la Couronne toutes sortes d’avantages fiscaux, aux dépens des colons et indépendamment de l’ asiento déjà perçu lors du voyage depuis l’Afrique. La position de plus en plus centrale des Noirs dans ces nouvelles sociétés se traduisait enfin par le rôle qu’ils jouaient dans les milices locales. En Guyane, les Français utilisent les Noirs contre les Caraïbes, et ainsi font les Hollandais, tel Peter Stuyvesant à la Nouvelle-Amsterdam, comme les Anglais du Massachusetts qui font appel « jusqu’aux Écossais et aux Noirs » pour chasser les Indiens.
    Cet antagonisme du Noir et de l’Indien, l’Européen en joue, détournant ainsi l’agressivité des Noirs, soit contre les métropolitains — par exemple, pendant les guerres d’indépendance en Amérique latine et aux États-Unis — mais surtout contre les Indiens.
    Car les Indiens sont toujours réputés libres, alors que les Noirs sont toujours réputés esclaves . De sorte que l’Indien s’en prévaut pour mépriser le Noir : en Nouvelle-Grenade, au XVI e  siècle, voici un Indien qui porte plainte devant untribunal, sa fille étant promise à un Noir, « car notre race, distincte par la pureté de sang, égale la classe des Nobles, de sorte que ma fille ne saurait s’unir à la classe réputée la plus vile ». Ce qui n’empêche pas l’Indienne de se donner aux Noirs : « Elle se donne à l’Indien par devoir matrimonial, au Blanc pour l’argent, au Nègre par plaisir » (Saint-Hilaire, 1821). Par Gilberto Freyre, on sait qu’au Brésil les trois races collaborent à leur manière, au moins dans les moulins à sucre de la région de Bahia : la blanche a la propriété et la direction, la noire travaille, l’indienne défend les moulins contre les pirates et autres Indiens ; dans le Sud, à l’époque des bandeirantes , ces expéditions menées vers l’intérieur, « l’Indien marche devant frayant la route, les Blancs et métis suivent, le Noir demeure derrière, fermant la colonne, portant les fardeaux, préparant les pauses ».
    L ES   N OIRS «  MARRONS  » ET   LA   RÉSISTANCE NOIRE
    Le traumatisme du voyage est tel qu’à peine débarqués aux Caraïbes les « Noirs Nouveaux » veulent s’échapper. Les colons qui l’ont compris essaient d’amortir le choc et acclimatent l’esclave avant de le mettre dans leur atelier. Mais le désespoir des Noirs est tel qu’ils se mutilent, s’étranglent, bien plus qu’ils ne cherchent à tuer leur nouveau maître. L’un d’entre eux s’écrase la tête contre une pierre ; il est même des groupes entiers qui se suicident, tels les marrons de l’île danoise de Saint-Jean, cernés par les troupes françaises, en 1734 ; même comportement chez les marrons attaqués par les Anglais, au XIX e  siècle, à Saint-Vincent. « Trente se sont pendus en une seule habitation », rapporte Malenfant, dans son Histoire de Saint-Domingue , parue en 1814. « Je sais un propriétaire, qui, sur 400 nègres, en trouva trois cent quatre-vingts pendus, le lendemain », témoigne Xavier Eyma à la même époque. Certains Ibos se pendent pour retourner au pays… Regrouper les « Congos », ou encore d’autres, pour réduire, croit-on, leur désespoir est une première technique. Mais le suicide ou la fuite constituent ainsi une forme de résistance à un maître. Surtout, pourceux qui se sont « accoutumés », le marronage, c’est-à-dire la fuite, doit aider à conquérir sa liberté, ou à assumer une certaine promotion… Entre les « Noirs de houe », voués à la culture, et les « Noirs à talents » ou « à la journée », l’écart se creuse, et ceux-ci essaient de se fondre dans la classe des affranchis : « Affectant de bien parler français, un peu espagnol, se disant libre, cordonnier de son métier, un mulâtre est venu au cabaret… » (cité in Y. Debbasch). Mais les Noirs de houe également se sauvent ; l’alimentation insuffisante et les mauvais traitements, par économie surtout, sont à l’origine de la peur que leur mécontentement suscite chez les maîtres. Souvent, les Noirs préviennent par une sorte de grève avertissement, puis ils disparaissent…
    Fréquemment, le fugitif trouve des cachettes chez un propriétaire voisin,

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