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Histoire des colonisations: Des conquetes aux independances, XIIIe-XXe siecle

Histoire des colonisations: Des conquetes aux independances, XIIIe-XXe siecle

Titel: Histoire des colonisations: Des conquetes aux independances, XIIIe-XXe siecle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marc Ferro
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s’ajoutent désormais des fonctionnaires de la Compagnie des Indes, de plus en plus nombreux. Or, tandis que les premiers sont là à titre temporaire, vivant à l’écart dans leurs casernes ou dans des camps, les seconds sont amenés à être en rapport avec les Indiens, nawabs et zamindars ; peu à peu ils s’indianisent, s’enrichissant et prenant des goûts de nabab ; ainsi se contrarient deux flux, celui des militaires qui s’européanisent, à cause du statut de l’armée purement royale et qui incarne la tradition, celui des civils qui s’indianisent. Mais la situation change sous l’influence du gouverneur Cornwallis et d’une administration de plus en plus scandalisée par les méthodes des aventuriers et autres qui abusaient de leur richesse, de leur pouvoir et se servent de l’armée de Sa Majesté. Le mal venait, disait un rapport, d’une trop grande insertion des Anglais dans le monde indien. L’arrivée plus nombreuse de femmes anglaises qui substituent les bals et « parties » aux Nautch girls indiennes et anglicisent les « homes », contribue à la dissociation des sociétés. Comme si désormais l’Inde n’allait plus marquer l’Anglais qu’à travers ce trait caricatural : « Le major mit son pyjama et ses sandales, puis il se rendit dans la véranda de son bungalow pour y prendre une tasse de thé. »
    L’écart entre les deux sociétés s’accroît, et avec lui se développe le racisme.
    Au reste, s’initier à l’Inde est dangereux, explique la romancière Annie Steel, indécent, mieux : ridicule. Lorsque l’un de ses personnages, Strickland, le policier, se fait sanyasi (ascète) pour mieux approcher sa dulcinée, MissYoughal, il devient un personnage comique. « Un homme étrange, ce Strickland, on s’écartait de lui : ne professait-il pas cette théorie “absurde” qu’un policeman doit en savoir sur l’Inde autant que les indigènes eux-mêmes. Il patauge donc dans des endroits peu parfumés où nul homme qui se respecte ne songerait à porter ses explorations… Il est bientôt initié au Sat Bhai, à Allahabad, apprend le chant du lézard des Sansis, ainsi que la danse du Hallihuk qui est un cancan religieux d’une espèce assez étonnante. Mais pourquoi donc, disait-on, Strickland ne reste-t-il pas dans son bureau ? »
    De toute façon, il n’y a pas à essayer de comprendre l’Inde. L’Inde, pensent ces Anglais, et, eût dit Françoise Sagan, est comme une femme, elle ne demande pas à être comprise, mais à être tenue.
    Quelques décennies plus tard, toujours à lire Annie Steel, Alice Perrin, ou encore Rudyard Kipling, on croirait qu’il y a en Inde plus de bals et de pique-niques que de souffrances. L’Inde y est partagée entre les tigres, la jungle, les bals, le choléra et les Cipayes. Mais, hormis cette participation, l’Indien n’apparaît plus, sinon comme palefrenier — et bientôt comme un traître ou un être peu fiable au cinéma (cf. Gunga Din) . Ou plutôt, il est présent pour représenter l’inverse de ce qui définit un Anglais véritable : discipline, force physique, organisation, sens de l’honneur. La pire honte pour cette héroïne d’un roman de Crooker est, lors de la révolte des Cipayes, de s’être donnée à un Indien pour échapper au massacre… Elle a perdu toute dignité…
    Pieds-noirs et Arabes
    « Les enfants, aimez la France, votre nouvelle patrie », disait le maître. A Alger, en 1939, on commémorait le 150 e  anniversaire de la Révolution française : jeunes Arabes et Mauresques défilaient, les premiers portant la tenue des sans-culottes, les seconds, le front ceint d’une couronne tricolore.
    Car « la France entend porter, partout où elle peut, sa langue, ses mœurs, son drapeau, son génie », disait déjà Jules Ferry.
    Aujourd’hui, dans l’Aurès, dans l’Atlas, on s’interroge : un siècle ou presque de présence française n’aurait-il pas eu plus d’effet qu’une tique sur la queue d’un chameau ?
    Certes, il y a des espaces de la vie du Maghreb qui étaient demeurés inviolés, qui avaient de tout temps quasi ignoré la colonisation française : souks de Fez, mosquées et medersas cachées au regard du roumi. Il est vrai qu’au temps de Lyautey la ville européenne vivait au large, avec ses belles avenues goudronnées, loin des quartiers indigènes, le marché nègre, comme on disait à Oran. Une ville flanquait l’autre ; séparées par quelque poste de

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