Histoire des colonisations: Des conquetes aux independances, XIIIe-XXe siecle
mots africains, hollandais, anglais, français.
En Haïti, deux cents ans après, en 1991, on fête toujours le grand soulèvement de l’esclave Boukman, en août 1791, qui aboutit en 1804 à la première des indépendances des peuples colonisés. La victoire est toujours placée sous le signe du vaudou, qui, au temps de Toussaint-Louverture, donna aux Noirs la force de combattre et de vaincre les armées de Bonaparte puis de Napoléon.
Ainsi, la Révolution française et le vaudou sont également considérés comme les agents de la liberté, avec la bénédiction de l’Église catholique, qui, sous l’égide de l’abbé Aristide, revendique aujourd’hui cet héritage et le serment du bois Caiman (cf. le film de Charles Najman, 1991).
Cette grande victoire des esclaves — la première — a-t-elle signifié pour les Haïtiens la « fin de l’histoire » ? Loin de se saisir et d’utiliser ce que la colonisation avait créé ou apporté, ils s’en sont détournés et ont laissé ces exploitations dépérir pour reconstituer, ailleurs, un mode de vie africain, s’immobilisant en quelque sorte dans le temps, comme pour perpétuer ce moment unique que leur envient les autres peuples de la Caraïbe.
Aux Amériques, les formes de résistance des Noirs ont varié, depuis un extrême, la révolte et la fuite des marrons, jusqu’au sabotage du travail, qui a donné naissance aumythe du nègre paresseux — qu’on retrouve en Asie du Sud-Est avec l’« indigène paresseux ». Chez les descendants des marrons, toutes les variétés de synchrétisme culturel ont pu exister, telles qu’on les a étudiées à Cujila au Mexique : la conservation des attitudes — porter les enfants sur le dos, les paquets sur la tête, la construction de maisons rondes, la disposition des épouses, les queridas (les chéries) vivant dans des quartiers différents. Ces attitudes s’étiolent ou se transforment, en relation avec les autres communautés ; mais elles se perpétuent grâce aux fêtes et autres « formes de liberté qui constituent le cadre institutionnel de la survivance des chants, danses et autres manifestations artistiques surtout musicales d’Afrique » (R. Bastide, Les Amériques noires) . En Nouvelle-Angleterre, l’organisation de ces fêtes devient même la matrice d’une sorte de contre-pouvoir qu’exerce le « gouverneur », dont les Blancs acceptent la prééminence, qui est souvent un descendant de rois, et qui négocie avec le maître. Les maîtres traduisent volontiers les délinquants devant ces « gouverneurs », détournant ainsi le ressentiment des esclaves contre des membres de leur propre communauté. Ces survivances sont également « religieuses », gardées « en conserve » là où le Blanc est puissant, mais évoluant là où il a disparu, comme à Haïti. Ici le vaudou peut se transformer et devenir une sorte de religion paysanne nationale, alors qu’au Brésil ou à la Trinité il a mieux conservé ses traits africains.
Quant aux esclaves convertis, ils ont mieux gardé leurs héritages africains dans les pays catholiques, donnant naissance à un syncrétisme aux formes variées, que dans les pays protestants, où le Noir n’est accepté comme membre d’Eglise que pour autant que son instruction est parfaite : l’évangélisation a ainsi entraîné la disparition des africanismes. S’est-il vraiment donné une « âme de Blanc » : voilà une question que Frantz Fanon a traitée dans Peau noire, Masques blancs , mais qui a fait également l’objet d’un débat « scientifique » entre Herskovits et G.F. Frazier et qui pose tout le problème du racisme et de l’assimilation.
L A NAISSANCE DU CRÉOLE
En demandant dans son testament de 1547 que, s’il venait à mourir en Espagne, ses restes fussent ramenés au Mexique et ensevelis dans le monastère des religieuses franciscaines de la Conception, dans sa ville de Cocoya, Hernan Cortez est bien le premier des créoles à juger que sa vraie patrie est le Mexique.
Cette identification à une terre autre que celle de ses ancêtres constitue le premier indice d’un écart qui va se creuser entre les métropolitains et ceux qu’on appelle les créoles. Chez ceux-ci, Espagnols d’origine, au Mexique, l’imprégnation du milieu, de sa culture, de multiples traits, s’effectue de façon imperceptible et pas nécessairement assumée. Ainsi, avec une grande finesse, Solange Alberro, dans Les
Weitere Kostenlose Bücher