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Histoire des colonisations: Des conquetes aux independances, XIIIe-XXe siecle

Histoire des colonisations: Des conquetes aux independances, XIIIe-XXe siecle

Titel: Histoire des colonisations: Des conquetes aux independances, XIIIe-XXe siecle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marc Ferro
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dépossession, abritée derrière des arguments d’ordre juridique, a été vivement ressentie comme une injustice, comme un vol qui a « dégradé » le colonisateur. De sorte qu’en Algérie, surtout, l’administration est devenue aux yeux de certains, tel Malek Ben-Abi, une « association de malfaiteurs. » Au Maroc, Lyautey a voulu prévenir ce type de réaction en limitant le nombre des colons, en préférant favoriser la constitution de grands domaines, aux mains de sociétés, ce qui en métropole le rendait suspect à la gauche, mais ses successeurs, administrateurs ou officiers, n’ont pas su ou pas voulu résister à la pression des nouveaux venus et des colons qui exigeaient plus de terres. Ici comme ailleurs, l’Européen jugeait que « celui qui ne féconde pas le sol ne mérite pas de le posséder, et, qu’en enlevant leurs terres aux indigènes, au fond on servait leurs intérêts », car la mise en valeur par les colons permettrait une hausse générale du niveau de vie… Il reste qu’au Maroc les petits colons ont été beaucoup moins nombreux qu’en Tunisie ou en Algérie ; mais que les grosses sociétés ont bénéficié de bien plus grands avantages, financiers notamment, qu’ailleurs.
    T RADITION ET   EUROPÉANISATION
    Troisième problème : le sort dévolu aux traditions et coutumes indigènes ; globalement, l’usage a été de ne pas les mettre en cause pour autant qu’elles ne constituaient par un obstacle à la pénétration européenne et à l’exploitation du pays. Sinon, elles étaient aménagées.
    L’attachement à l’Islam, à la civilisation arabe, a constitué le noyau dur de cette confrontation.
    Au Maroc comme en Algérie, les Français ont volontiers joué des Kabyles et des Berbères contre les populations plus arabisées des grandes cités. La méfiance envers l’Islam en a constitué le corollaire même si, pour des raisons tactiques ou stratégiques, les leaders religieux ont toujours été protégés et utilisés comme relais du pouvoir, comme interlocuteurs : depuis le Sultan, au Maroc, descendant du Prophète, jusqu’aux Ulemas, théologiens respectés par les autorités françaises. Pour être moins islamisés, moins arabisés, Kabyles et Berbères passaient pour pouvoir devenir ultérieurement de bons chrétiens ; car, au Maghreb, la colonisation a toujours eu un petit relent de croisade. Une des données de cette politique était la ségrégation des deux religions, comme s’il s’était agi de délimiter l’Islam, avant de le réduire. Telle était une des raisons pour lesquelles la langue arabe, langue du Coran, était peu valorisée : aux temps de la colonisation, dans l’enseignement, certes, la langue arabe est reconnue, mais comme une langue étrangère, par exemple comme première langue au baccalauréat, et cette limitation, handicap grave pour les élèves, est cruellement ressentie ; elle constitue un des plus graves griefs pour les Arabes instruits, en Algérie surtout. Ils voient là une volonté politique. Au Maroc, Lyautey avait raisonné autrement. Il s’était fermement opposé à toute tentative missionnaire, il refusait d’entrer dans une mosquée pour mieux dire son respect envers la religion ; il maintint ainsi jalousement les droits autonomes de l’Islam et du Sultan, son incarnation, pour mieux sauvegarder le caractère « provincial » du Maroc, loin du cœur arabe de l’Islam. Pendant longtemps, toutes les publications arabes venues d’Égypte ou de Syrie, même celles en provenance de Tunisie ont pu être interdites dans le royaume chérifien. Il comptait sur l’autonomie religieuse du pays et préférait de bons étudiants en théologie formés à Fez plutôt qu’en Égypte ou à Bagdad.
    Autre problème, celui de l’européanisation, de l’assimilation, c’est-à-dire aussi celui de l’interpénétration des sociétés.
    « Nous avançons, disaient les colons, ils n’avancent ni ne reculent. » Ce jugement date du début du siècle ; cinquante ans plus tard, il ne s’était guère modifié.
    De fait, l’amélioration du standard de vie des indigènes à l’époque de la colonisation n’a été mesurée qu’avec les critères qu’elle a choisis ; certains l’ont même niée, qui ne sont pas arabes (A. Nouschi, par exemple, pour les années 1871-1919 dans le Constantinois). Il reste que, pour l’essentiel, les avantages des grands accomplissements collectifs ont profité surtout aux

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