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Histoire du Consulat et de l'Empire

Histoire du Consulat et de l'Empire

Titel: Histoire du Consulat et de l'Empire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jacques-Olivier Boudon
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rois, mais ne le lui confère pas. La montée vers l'autel de ce fils de petite noblesse corse, pour revêtir la couronne impériale, symbolise l'ascension sociale rendue possible par la Révolution. C'est aussi le sens du tableau de David commandé par Napoléon : ce que doit retenir la population, c'est la représentation de l'autocouronnement qui flatte un vieux fonds de fidélité à la royauté et l'attachement au principe d'égalité qu'incarne Napoléon.
    Le sacre terminé, les souverains regagnent les Tuileries. Selon le cérémonial d'Ancien Régime, Napoléon aurait dû, le lendemain, recevoir les malades pour le fameux toucher des écrouelles, par lequel les rois exerçaient leur pouvoir de thaumaturge. L'Empereur ne goûte guère ces mœurs d'un autre âge ou peut-être craint-il de voir ce pouvoir mis à mal. Quoi qu'il en soit, il ne procède pas au toucher des écrouelles. Mais il connaît fort bien le poids des images, c'est pourquoi, on le verra, dès le salon de 1804, au bras d'un malade, dans la toile peinte par Gros, Les Pestiférés de Jaffa. Ce tableau de commande vise à démonter les accusations anglaises selon lesquelles Napoléon, lors de la campagne d'Égypte, aurait abandonné en Palestine ses soldats atteints par la peste, les empoisonnant avant son départ. Il permet aussi de montrer un Napoléon soucieux de la santé de ces malades. Non seulement il leur rend visite, mais il les touche, le peintre mettant l'accent sur la main blanche et dégantée de Bonaparte - l'autre main tient ostensiblement son gant - posée sur la poitrine d'un malade. Derrière lui, son aide de camp respire dans un mouchoir, ce qui renforce encore l'impression d'invulnérabilité de Bonaparte. La dimension thaumaturgique de l'Empereur est ainsi clairement signifiée ; elle trouve des prolongements dans les visites aux hôpitaux auxquelles se plie Napoléon. Le régime a prêté une attention particulière à la réception de ce tableau, comme l'atteste un rapport de police qui précise : 160
     

    L'ANNÉE DU SACRE
    « On se porte en foule au Salon pour voir l'Hôpital de Jaffa [sic] , et ce tableau n'a que des admirateurs. Des personnes de toutes les classes, après l'avoir examiné longtemps, paraissent attendries ... , plusieurs ont dit avec émotion : " C'est la plus belle action de l'Empereur. " »
    La cérémonie du sacre est complétée, trois jours plus tard, par l'organisation d'un adoubement militaire. Le 5 décembre 1804 en effet, Napoléon et Joséphine remettent aux régiments de l'armée les aigles, avant que ceux-ci ne prêtent serment aux nouveaux souverains. La scène, immortalisée elle aussi par David, se déroule devant l'École militaire où a été dressée une tente aux allures orientales. La cérémonie évoque naturellement la manière dont les empereurs romains étaient désignés par leurs troupes pour exercer la magistrature suprême. Napoléon n'a pas souhaité que l'armée prenne l'initiative de la proclamation de l'Empire, mais il lui accorde la faveur d'être la première honorée. La cérémonie de distribution des aigles au Champde-Mars est une réitération du sacre. Le tableau de David, d'où Joséphine , a disparu, pour cause de divorce, rend compte de ce moment. A l'ordre de la cérémonie du sacre succède une impression de fouillis, écho du chaos des champs de bataille qui ont fait la gloire de l'Empereur. La profusion des aigles, sur la colonnade dressée comme sur les drapeaux, matérialise la force militaire du régime, alors que la cérémonie du sacre était placée sous le signe de l'abeille. Les deux démonstrations se répondent ; l'une est une cérémonie civile et religieuse, en présence des grands corps de l'État, elle symbolise l'union de la nation derrière son souverain ; l'autre est une manifestation militaire qui insiste sur la nature profonde d'un régime fondé par les armes et qui entend se perpétuer par les guerres. Le peuple y participe, mais il reste en retrait ; il assiste au spectacle des cinq ballons lâchés du Champde-Mars et reçoit une grande quantité de médailles frappées à l'effigie de l'Empereur, il est invité enfin à danser dans les nombreux bals publics organisés pour célébrer l'événement.
    Ces deux cérémonies sont les deux grands moments du passage à l'Empire couronné, mais les fêtes devaient se prolonger pendant plus d'un mois. Elles furent marquées par des illuminations, des bals et des réceptions, dans Paris comme

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