Histoire du Consulat et de l'Empire
importance secondaire. Il est célébré à l'usage du public présent à Paris le 2 décembre 1804 et par-delà ce public au peuple tout entier. Son but est donc bien d'ancrer dans les esprits l'idée d'un rétablissement de la monarchie en France, tout en marquant les innovations introduites depuis la Révolution. À partir du sacre, le cérémonial prend une très grande importance sous l'Empire. Le rôle assigné au grand maître des cérémonies, charge confiée à M. de Ségur, s'avérant décisif dans l'organisation des fêtes impériales.
Le sacre est d'abord une fête nationale qui doit associer tous les éléments du corps social et les faire communier dans une même adhésion au régime impérial. Pour les réunir, le choix du lieu est important. Paris ne s'imposait pas de prime abord. C'est à Rome qu'était allé se faire sacrer Charlemagne. C'est à Reims que se déroulait traditionnellement le sacre des rois de France. Mais Paris avait acquis depuis la Révolution ses lettres de noblesse ; son statut de capitale de l'Empire était pleinement admis. Délaisser cette ville, c'eût été renier l'œuvre de centralisation administrative et politique développée depuis 1800. Cependant, Napoléon, mécontent de l'attitude du peuple parisien au moment de la conspiration de Cadoudal, irrité par la constance de son esprit révolutionnaire, songe à une autre hypothèse : « Pourquoi ne pas choisir une autre ville que �aris où il y a tant de canailles, s'exc1ame-t-il devant le Conseil d'Etat.
Quand ce ne serait, poursuit-il, que pour faire voir aux Parisiens que l'on peut gouverner sans eux. » N'a-t-il pas pensé à Lyon, ou plutôt à Aix-la-Chapelle, alors sous domination française, où Napoléon passe une semaine au mois de septembre ? Aucun de ces projets n'aboutit. Ce sera donc Paris, mais en quelle enceinte ? Les partisans de ce que l'on appellerait aujourd'hui la laïcité défendent l'idée d'un grand rassemblement sur le Champde-Mars, sur les lieux mêmes où se célébra, le 14 juillet 1790, la fête de la Fédération, manifestation d'unité nationale. Le symbole est parlant ; il aurait pu rattacher l'Empire à la monarchie constitutionnelle, mais Napoléon n'entend pas être un nouveau Louis XVI, soumis à la pression du peuple de Paris. « On a songé, dira-t-il, au Champde-Mars par rémi-156
L'ANNÉE DU SACRE
niscence de la Fédération mais les temps sont bien changés : le peuple était alors souverain, tout devait se faire devant lui ; gardons-nous de lui donner à penser qu'il en est toujours ainsi ! Le peuple est aujourd'hui représenté par des pouvoirs légaux. Je ne saurais d'ailleurs voir le peuple de Paris, encore moins le peuple français, dans vingt ou trente mille poissardes ou autres gens de cette espèce qui envahiraient le Champde-Mars. Je n'y vois que la populace ignare et corrompue d'une grande ville. Le véritable peuple en France, ce sont les présidents de cantons et les présidents de collèges électoraux, c'est l'armée dans les rangs de laquelle sont les soldats de toutes les communes de France. �> C'est une vision très partielle de la nation, mais qui montre le souci de faire du sacre une fête nationale, où sont invités les représentants du pays, non une fête populaire. Napoléon ne remet pas en cause le principe de souveraineté nationale auquel il a redit à plusieurs reprises son attachement, mais il considère que, une fois que le peuple s'est exprimé et a désigné ses mandataires, il doit s'en remettre à eux. Aux yeux de Napoléon, le peuple est mieux représenté par les délégués des corps constitués venus de province que par le peuple de Paris. Le Champde-Mars est donc éclipsé. Il est vrai que pour une fête célébrée à l'automne, mieux vaut un édifice couvert.
Le choix est fait de Notre-Dame. La cathédrale, mal remise de quatorze ans de Révolution, est alors en piteux état, mais elle offre l'avantage, outre l'espace, d'être un temple national, à la fois métropole de la capitale et lieu où se sont célébrés la fête de la Raison en 1793 ou le culte théophilanthropique sous le Directoire. Ce statut de temple national lui a déjà été conféré en 1802, lorsqu'une grande fête y fut célébrée à l'occasion de la promulgation de la loi sur l'organisation des cultes. Déjà l'initiative avait fait grincer des dents dans les rangs anticléricaux et il fallut toute l'autorité de Bonaparte pour ramener ses proches, en
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