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Histoire du Consulat et de l'Empire

Histoire du Consulat et de l'Empire

Titel: Histoire du Consulat et de l'Empire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jacques-Olivier Boudon
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dissipée.
    Pour autant, Paris abrite encore quelques foyers d'opposition, en particulier dans les milieux de l'ancienne aristocratie. Les salons du faubourg Saint-Germain conservent une attitude frondeuse que l'on ne peut qualifier d'hostilité affichée à l'Empire. L'ancienne noblesse, sur laquelle Napoléon exerce son pouvoir de séduction, s'est en effet divisée sur l'attitude à adopter. Une partie de l'aristo-240
     

    L'ENCADREMENT DE LA VIE POLITIQUE
    cratie s'est ralliée, tandis qu'une autre fraction a choisi de rester en retrait, comme le rappelle la comtesse de Boigne qui a refusé de rejoindre Napoléon : « On était divisé en deux grands partis : les gens du gouvernement et ceux qui n'y prenaient aucune part. Mais ceux-ci, et j'étais des plus hostiles, se bornaient à des propos, à des mauvaises plaisanteries quand les portes étaient bien fermées. »
    Même dans les salons, l'opposition est dangereuse : « Quelques sévérités exercées, de temps en temps, sur les plus intempestifs tenaient tout le monde en respect », rappelle encore la comtesse de Boigne 3. La surveillance est évidemment discrète, mais réelle ; elle s'exerce notamment par l'entremise de femmes du monde qui, à l'image de Mme de Genlis, sont payées pour remettre des rapports à Napoléon et ainsi l'informer de l'état d'esprit des salons. Il ne faut toutefois pas majorer cette forme d'opposition. Il faut notamment se méfier des récits façonnés après coup par les survivants du régime, habiles à faire oublier leur ralliement par l'évocation d'une opposition de salon. Sous l'Empire, la résistance s'est estompée, les ralliements se sont multipliés, réduisant d'autant les adversaires du rég,ime.
    A l'intérieur des hôtels particuliers cependant, malgré la surveillance policière, la liberté de parole n'est pas totalement éteinte. Le salon reste un des derniers lieux d'expression libre, où les langues continuent de se délier, comme le rappelle George Sand, évoquant les conversations entendues chez sa grand-mère : « La louange officielle a fait plus de mal à Napoléon que ne lui en eussent fait vingt journaux hostiles. On était las de ces dithyrambes ampoulés, de ces bulletins emphatiques, de la servilité des fonctionnaires et de la morgue mystérieuse des courtisans. On s'en vengeait en rabaissant l'idole dans l'impunité des causeries intimes, et les salons récalcitrants étaient des officines de délation, de propos d'antichambre, de petites calomnies, de petites anecdotes qui devaient plus tard rendre la vie à la presse, sous la Restauration 4. » La chape de plomb pesant sur les esprits peut conduire à un défoulement de la parole dès lors qu'une occasion se présente. Encore personne n'est-il à l'abri d'une indiscrétion.
    Pour contrer cette opposition de salon, Napoléon a cherché à susciter des lieux de rencontre qui lui soient favorables. Il a incité ses fidèles à tenir un salon où se croiseraient thuriféraires du régime et hôtes hésitants. Il a ainsi cherché à installer à Paris maréchaux et nobles d'Empire, invités à acheter des hôtels particuliers pour manifester leur réussite. Paris est le lieu où doit s'opérer la fusion des élites. Les salons des proches du régime sont donc ouverts, à l'image de celui que tiennent les Rémusat et où l'on croise le grand maître de l'Université, Fontanes, le poète Delille, le savant Cuvier, l'astronome Delambre, le dramaturge Raynouard ou le peintre Gérard, quelquefois aussi Chateaubriand. Les principaux dignitaires du régime ont le leur, à l'image des ministres dont l'action politique se 241
     

    LA NAISSANCE D'UNE MONARCHIE (1804-1809)
    poursuit ainsi en soirée : « Ce qu'on voyait le moins chez les ministres, raconte Mme de Chastenay, c'étaient les gens du gouvernement. Peu d'intimité régnait entre eux, et l'Empereur désirait qu'ils ne fussent pas liés. Fouché, de tous les ministres, était celui qui en réunissait le plus grand nombre, et justement par la raison qu'il se croyait audessus d'eux. M. de Talleyrand croyait servir de centre à l'équilibre de l'Europe ; tous les étrangers venaient chez lui, et à peu près exclusivement. M. de Champagny recevait en général des aspirants, des auditeurs, des protégés enfin et ceux que des rapports éphémères rapprochaient passagèrement de lui S. » La table de Cambacérès est également réputée ; il reçoit à dîner de vingt à trente convives chaque jour.

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