Histoire du Consulat et de l'Empire
justice, de modération. Sans l'ordre, l'administration n'est qu'un chaos : point de finances, point de crédit public ; et, avec la fortune de l'État, s'écroulent les fortunes particulières.
Sans justice, il n'y a que des partis, des oppresseurs et des victimes.
La modération imprime un caractère auguste aux gouvernements comme aux nations ; elle est toujours la compagne de la force et le garant de la durée des institutions sociales 8. » La paix intérieure est donc un préalable à toute action publique. Elle ne saurait c�pendant suffire. Pour Bonaparte, il faut redonner toute sa place à l'Etat d,ans le pays. Sa déclaration indique quels sont les trois piliers de cet Etat reconstruit : le préfet qui administre, le percepteur qui lève l'impôt, le juge garant de la paix civile. Il n'a pas encore, à cette date, intégré le prêtre dans son schéma de la vie en société.
Le premier souci de Bonaparte est d'ordre financier. Les caisses de l'Etat sont vides lorsqu'il accède au pouvoir. Même si le jugement du ministre Gaudin est quelque peu partial, il n'en révèle pas moin� l'état calamiteux du budget lorsque Bonaparte arrive à la tête de l'Etat : « Au 20 brumaire, il n'existait réellement plus vestige de finances en France. Une misérable somme de cent soixantesept mille francs était, à cette époque, tout ce que possédait, en numéraire, le Trésor public d'une nation de trente millions d'hommes !
[ ... ] Tout était donc à faire, et tout à changer pour remédier aux maux que le système (si l'on peut l'appeler ainsi) qui avait été suivi jusque-là aurait bientôt rendus sans remède 9. » La réorganisation du système fiscal est l'une des premières tâches auxquelles s'attelle le nouveau ministre. « Il fallait premièrement, note-t-il, réorganiser 71
LA RÉPUBLIQUE CONSULAIRE (1799-1804)
la confection des rôles des contributions directes. » Pour y parvenir, il crée, dès le mois de novembre, au sein de son ministère, une Direction des contributions directes qui prélude à la mise en place d'une nouvelle administration fiscale. L'essentiel n'est pas d'innover, mais de rationaliser les structures existantes. De fait, Gaudin conserve les impôts directs créés par la Révolution, ceux qu'on appelle au XIXe siècle, lorsque de nouvelles contributions auront été inventées, les « quatre vieilles » ; ce sont l'impôt foncier, le plus important puisqu'il représente les trois quarts des impôts directs, prélevé en fonction de la valeur du patrimoine immobilier, l'impôt mobilier, reposant sur les avoirs industriels et commerciaux, la patente payée par les commerçants et l'impôt dit des « portes et fenêtres », censé taxer les habitants en fonction du confort apparent de leur habitation. De nouveaux rôles d'imposition sont établis, fondés d'abord sur une estimation des biens, avant qu'un cadastre soit mis au point. Fort de ces données, un nouveau corps d'agents de l'État peut se mettre au travail et exiger la rentrée de l'argent.
La nouvelle structure fiscale suit le cadre administratif. Un percepteur est envoyé dans chaque canton pour lever l'impôt. Les sommes collectées sont ensuite remises à un receveur général établi dans chaque arrondissement, puis dirigées vers le receveur général du département. Ce dernier est véritablement l'héritier du fermier général d'Ancien Régime, catégorie qui, à l'image de Lavoisier, guillotiné à l'époque de la Terreur, eut beaucoup à souffrir de la Révolution, car elle symbolisait alors une pression fiscale intolérable. C'est sans doute pourquoi les receveurs généraux sont le plus souvent des hommes neufs, venus du monde du négoce ou de la finance. Il leur faut en effet disposer de quelque fortune pour se porter garants des sommes qui leur sont confiées. Un double gardefou est prévu. Tout d'abord, pour assurer une rentrée régulière d'argent, le receveur doit tirer par avance des bons payables chaque mois, d'un montant des sommes à percevoir. L'Etat se prémunit ainsi contre d'éventuels retards dans les rentrées fiscales. En outre, un cautionnement équivalant au vingtième du produit de l'impôt foncier de son département est demandé à chaque receveur général.
La nouveauté vient de ce que ces sommes sont versées en numéraire, alors que le cautionnement s'appuyait auparavant sur des immeubles. Il §'ensuit qu'elles sont disponibles et forment une avance dont l'Etat use pour
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