Hitler m'a dit
sans support dans un groupe ni dans l’autre.
Que voulaient au juste les partisans d’une deuxième révolution ? Hitler connaissait bien ses camarades du ; parti. « Il y a des gens, disait-il, pour qui le socialisme n’est autre chose que l’accès au râtelier, aux affaires plantureuses et à la vie facile. » Ce fier idéal n’avait pas malheureusement disparu en même temps que la république de Weimar. Quant à lui, Hitler, il ne songeait pas un instant à faire comme en Russie, à détruire homme par homme la classe des possédants. Ce qu’il voulait c’était les contraindre à collaborer de tous leurs moyens à la construction de la nouvelle économie.
Il ne pouvait pas se permettre de laisser l’Allemagne végéter pendant des années, comme la Russie soviétique, dans le besoin et dans la famine. Les capitalistes d’après-guerre devaient s’estimer heureux d’avoir la vie sauve. On les tiendrait en haleine, on les mâterait, par la crainte d’un pire danger. Croyait-on qu’il renoncerait à cet avantage pour le plaisir de batailler avec les soi-disant vétérans et les extrémistes ambitieux du parti ? J’avais entendu ces propos dans une commission que le Führer avait convoquée pour discuter un plan d’organisation corporative qu’il laissa d’ailleurs tomber peu de temps après.
Hitler savait parfaitement que chaque phase nouvelle d’une révolution exige un renouvellement du personnel dirigeant. La seconde vague du nazisme amènerait donc au pouvoir des hommes nouveaux. Cela ne signifiait-il pas sa propre fin et celle de son entourage ? Pourrait-il garder en main les leviers de commande s’il laissait se déchaîner les masses prolétariennes ? Hitler avait peur des masses, malgré ses bagarres de réunions publiques. Il craignait même ses propres troupes. « Des éléments irresponsables sont à l’œuvre pour détruire tout mon travail de reconstruction », vociférait-il. « Je ne laisserai saccager mon ouvrage, ni par la droite, ni par la gauche. »
Il fit circuler le bruit que des éléments malsains à l’intérieur du parti, des émissaires de Moscou, des traîtres vendus aux bourgeois nationaux-allemands s’étaient conjurés pour demander une soi-disant « deuxième révolution » afin de le renverser lui, Hitler. On lui avait en effet rapporté que Roehm voulait s’emparer de sa personne. C’était une pensée qui lui était déjà venue et qui le hantait de plus en plus. Il hésitait, se demandant si l’heure était venue de frapper. D’autre part, il se rendait compte que s’il frappait à gauche, il risquait à droite, à moins d’avoir affaire à des adversaires par trop maladroits, de devenir l’otage des milieux conservateurs, leur agent et leur homme à tout faire dans les milieux révolutionnaires, le dompteur des masses rebelles.
Hitler a longtemps balancé, inclinant plutôt à se mettre, sous le signe de la « deuxième révolution », à la tête des extrémistes de son parti et à se contenter ainsi d’une autorité fictive, avec le dessein de reprendre un peu plus tard l’autorité réelle. Dans les milieux dirigeants on se déchirait alors avec acharnement. L’écho de ces dissensions n’est d’ailleurs pour ainsi dire jamais parvenu aux oreilles du public. Cependant Hitler mûrissait sa décision : on peut être sûr qu’elle n’a pas été improvisée. Cette décision a prouvé qu’Hitler était très supérieur, en clairvoyance et en prévoyance, non seulement à ses amis du parti, mais encore à ses adversaires conservateurs et aux dirigeants de la Reichswehr.
XXVII
GUERRE INTÉRIEURE
SUR DEUX FRONTS
Un homme surtout attendait dans l’ombre : Gregor Strasser, le grand rival d’Hitler dans le parti. Un travail souterrain faisait reparaître la même constellation qu’à l’automne et pendant l’hiver de 1932, période peu connue, pendant laquelle la dislocation du parti paraissait imminente : le général von Schleicher avait, en effet, conçu le plan de faire des syndicats ouvriers et de l’aile socialisante du nazisme, la base d’un gouvernement dont il serait le chef. Cette solution, prématurée en 1932, et mal vue alors des grands industriels, s’imposait maintenant à l’esprit des grands chefs militaires comme le seul moyen d’en finir avec le désordre des dix-huit premiers mois du régime. Hitler lui-même ne pouvait opposer aucune autre digue à la démagogie des S.A. et des masses
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