Hitler m'a dit
a su mourir proprement et la tête haute. Quelques mois plu 3 tard, vers la Noël de 1933, il me cassa de mon grade dans les S.S., parce que j’avais signalé, à toutes fins utiles, une grave insubordination commise par un Führer des S.A., au général von Brauchitsch qui commandait alors en Prusse Orientale. Je revis Roehm une seule fois, peu de temps avant son assassinat. Il ne sembla même pas me reconnaître.
Je rapporte tous ces détails parce qu’ils servent de prélude et d’explication à une conversation que j’eus avec Hitler, au mois de février de 1934. J’ai pu alors me fendre compte non seulement de la supériorité d’Hitler sur son entourage, mais encore de la partie dangereuse qu’il se préparait à jouer et qui, à deux doigts de sa chute, allait lui assurer la part du maître dans le commandement de la nouvelle armée, au prix, il est vrai, du sacrifice de son ami. Il avait déjà renié, me sembla-t-il, les idées révolutionnaires de cet ami ! Mais ce n’était qu’un abandon provisoire.
À cette époque, tout était encore en plein flottement, Hitler était obligé d’accommoder ses « plans gigantesques » aux conditions difficiles de la politique intérieure et extérieure. Il ne pouvait avancer qu’à tout petits pas ; mais il n’en éprouvait que davantage le besoin de se convaincre lui-même de la grandeur de son rôle historique en revenant sans cesse, dans ses conversations, sur ses plans grandioses. Hitler me dit, qu’étant donné les difficultés du moment, il conclurait n’importe quel pacte qui permettrait à l’Allemagne d’entretenir une armée de quatre cent mille ou même de trois cent soixante mille hommes. Il se contenterait alors de former au grand jour les cadres de la future armée nationale et il attendrait la première occasion favorable pour faire sans risque, un nouveau bond en avant. Hitler insista sur la difficulté de concilier le secret et la cadence rapide du réarmement illicite, car dans ces conditions la qualité devait en souffrir. Il aurait préféré suspendre pour J111 temps l’effort du réarmement. Il ne pouvait se défendre de l’impression que les généraux responsables se trouvaient débordés et il appréhendait une catastrophe si, pendant la période de transformation de la Reichswehr en armée nationale, la Wehrmacht était brusquement obligée de défendre l’Allemagne par les armes.
Il avait eu à l’origine, me dit-il, des idées tout à fait différentes. Il aurait voulu mettre immédiatement sur pied une vaste armée populaire et procéder en toute tranquillité, derrière le rideau de cette milice d’apparence inoffensive, à l’instruction graduelle des recrues et des cadres au rythme de l’accroissement du matériel. Mais il avait dû s’incliner devant les avis des généraux et du vieux maréchal Hindenburg, qui s’incrustait dans son privilège de généralissime et prétendait au droit exclusif de décision en tant que seul expert réellement qualifié des choses militaires.
Je lui demandai si ce plan primitif prévoyait l’armement général des S.A. et des S.S. et s’il y avait définitivement renoncé.
— « Ce plan n’existe plus », répondit Hitler. « Dans une affaire de cette importance, l’enthousiasme et la bonne volonté ne suffisent pas. L’armement et l’instruction d’une grande armée constituent une tâche sérieuse et difficile. Je le sais, mes S.A. sont désappointés. Ils m’ont fait des observations que j’ai dû repousser comme injustifiées. Je leur ai demandé comment ils se représentaient les choses. Fallait-il que l’Allemagne se constituât deux armées indépendantes l’une de l’autre ? Deux systèmes sont possibles. Ou bien on choisit le système de la conscription par classes annuelles. Si on l’accepte, il faut s’y tenir et on ne peut plus le modifier arbitrairement. Ou bien on préfère l’armée de métier, sur la base du service volontaire. Mes camarades du parti comprendront eux-mêmes que ce principe, à la rigueur suffisant pour l’Angleterre, ne l’est pas pour nous.
» Comment pourrais-je concilier ces deux principes ? Faudrait-il envisager, pour les membres du parti, le service volontaire et ce qu’on appelait autrefois le système des rengagés, c’est-à-dire un service d’assez longue durée ? Ou bien, tous les membres des S.A. doivent-ils former une élite militaire, une sorte de milice privilégiée ? Mais dans ce cas, ils
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