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Hommage à la Catalogne

Hommage à la Catalogne

Titel: Hommage à la Catalogne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: George Orwell
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soupe et deux morceaux de pain par jour. (Quelques mois plus tard, cependant, il paraît y avoir eu quelque amélioration dans la nourriture.) Je n’exagère pas ; demandez à n’importe quel suspect politique ayant été emprisonné en Espagne. Les descriptions qui m’ont été faites des prisons espagnoles proviennent d’un grand nombre de sources séparées, et s’accordent toutes trop bien entre elles pour pouvoir être mises en doute ; du reste, j’ai moi-même pu jeter quelques coups d’œil dans une prison espagnole. Et un autre ami anglais, qui fut emprisonné ultérieurement, écrit que les souvenirs de son propre emprisonnement « rendent le cas de Smillie plus facile à comprendre ». La mort de Smillie n’est pas une chose que je puisse aisément pardonner. Voilà un jeune homme bien doué et courageux, qui a renoncé à sa carrière à l’université de Glasgow pour venir combattre le fascisme et qui, comme j’en ai été moi-même témoin, a rempli tout son devoir au front avec une bonne volonté et un courage sans défaillance ; et tout ce qu’ils ont su faire de lui, ce fut de le jeter en prison et de le laisser mourir comme une bête abandonnée. Je sais qu’au milieu d’une grande et sanglante guerre il ne sied pas de faire trop d’histoire au sujet d’une mort individuelle. Une bombe d’avion qui tombe dans une rue fréquentée cause plus de souffrances que toute une suite de persécutions politiques. Mais ce qui révolte dans une mort comme celle-là, c’est son extrême manque d’à-propos. Être tué dans la bataille – très bien, c’est à quoi chacun s’attend ; mais être jeté en prison, non pas même pour quelque faute imaginaire, mais uniquement par l’effet d’une malveillance stupide et aveugle, et y être laissé à mourir dans l’abandon, c’est tout autre chose ! Je ne vois pas comment des faits de ce genre – car le cas de Smillie n’est pas exceptionnel – peuvent rapprocher si peu que ce soit de la victoire.
    Nous allâmes, ma femme et moi, faire visite à Kopp ce même après-midi. Il était permis de venir voir les détenus qui n’étaient pas gardés incomunicados  ; mais il n’était évidemment pas prudent d’y aller plus d’une ou deux fois. La police guettait les gens qui entraient et sortaient et, si vous alliez voir trop souvent les prisonniers, vous vous classiez comme ami des « trotskystes » et généralement finissiez vous-même en prison. C’était arrivé déjà à bon nombre de gens.
    Kopp n’était pas incomunicado et nous obtînmes sans difficulté l’autorisation de le voir. Au moment où, venant de franchir les portes d’acier, on nous faisait pénétrer dans la prison, un milicien espagnol, que j’avais connu au front, en sortait entre deux gardes civils. Nos regards se croisèrent : une fois de plus l’imperceptible clin d’œil. Et la première personne que nous vîmes à l’intérieur fut un milicien américain qui, peu de jours auparavant, était parti pour rentrer chez lui. Ses papiers étaient en règle, mais on ne l’en avait pas moins arrêté à la frontière, probablement parce qu’il portait encore des culottes de velours à côtes, ce qui permettait de l’identifier comme milicien. Nous passâmes l’un à côté de l’autre comme si nous avions été complètement étrangers l’un à l’autre. Ce fut là quelque chose d’affreux. Je l’avais connu pendant des mois, j’avais partagé une cagna avec lui, il avait aidé à me porter quand on m’avait ramené blessé du front ; mais on ne pouvait rien faire d’autre. Les gardiens en uniforme bleu étaient partout à épier. Il nous eût été fatal de reconnaître trop de monde.
    Cette prétendue prison était en réalité le rez-de-chaussée d’un magasin. Dans deux pièces, mesurant chacune vingt pieds carrés environ, serrées les unes contre les autres, une centaine de personnes étaient parquées. L’aspect de ce lieu était tel qu’on l’eût dit tout droit sorti d’une illustration du Recueil des causes célèbres au XVIII e siècle , avec sa saleté et son odeur de renfermé, son enchevêtrement de corps humains, son absence de meubles (il n’y avait que le sol de pierre nue, un banc et quelques couvertures en loques), et son jour fuligineux, car les tabliers de tôle ondulée des vitrines avaient été baissés. Sur les murs encrassés des mots d’ordre révolutionnaires, Visca P.O.U.M. ! Viva la Revolución ! , etc.,

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