Iacobus
Rhodes pour lui raconter tout ce dont j’étais témoin,
mais je me souvins à temps qu’il m’avait lui-même placé sous les ordres directs
de cet homme indigne, rendant ainsi ma marge de manoeuvre très étroite. Je
n’avais pas d’autre choix que me taire et obéir, puis me consoler en me disant
que bientôt je retournerais à Rhodes au lieu de me flétrir dans ce climat
délétère.
On me donna l’ordre de me retirer un instant
dans la salle contiguë. Frère Robert et le pape devaient prendre des décisions,
me dirent-ils, et m’appelleraient dans quelques minutes. Tandis que
j’attendais, je compris à quel point il était important que je m’occupe
personnellement de l’éducation de mon fils : pour rien au monde je ne
voulais que Jonas coure le risque de se convertir en un homme dépravé et
ambitieux comme ceux que je voyais évoluer dans les cercles du pouvoir. Je
désirais que son unique ambition fût d’être un homme cultivé et honorable.
« Je dois l’emmener à Rhodes ! me dis-je, et le remettre entre les
mains des meilleurs maîtres de mon ordre. » Il me fallait surveiller de
près son évolution et le sortir de ce monde de fous qu’était devenue la
chrétienté. Il pouvait subir de mauvaises influences s’il mettait ses pas dans
ceux d’un mauvais guide. Je devais l’emmener avec moi à Rhodes, il n’y avait
pas d’autre solution.
J’étais en proie à ces pensées quand je fus
rappelé par le pontife.
— Frère Galcerán, votre commandeur et moi-même,
dit le pape d’une voix suave avec un sourire mielleux, avons décidé que vous
alliez faire le pèlerinage de Saint-Jacques.
Je demeurai muet de stupeur.
— Nous savons, frère, ajouta mon supérieur
sur un ton d’excuse, que vous désirez retourner au plus vite à Rhodes, mais la
mission que le Saint-Père a décidé de vous confier est d’une importance vitale
pour notre ordre.
Je gardai le silence.
— Vous savez aussi bien que nous, reprit le
pape, qu’envoyer une armée de l’autre côté des Pyrénées ne servirait à rien.
Connaissant ces canailles comme nous les connaissons, on peut être sûrs que cet
or a été caché dans des endroits insoupçonnés, inaccessibles et probablement
remplis de pièges. Mais si vous, poursuivit impassible Sa Sainteté en me
regardant droit dans les yeux, avec votre intelligence, votre perspicacité,
vous êtes capable de trouver ces cachettes, il sera alors facile d’envoyer une
troupe de chevaliers extraire le produit de votre découverte.
— Ce que Sa Sainteté veut dire, continua
frère Robert, c’est qu’il est impossible de trouver ces richesses en utilisant
les moyens habituels. Vous avez bien vu que même sous la torture les Templiers
n’ont jamais révélé leurs secrets. En faisant le chemin comme un pénitent qui
se rend sur la tombe de l’apôtre pour obtenir le pardon, vous verrez
certainement bien plus de choses qu’une vingtaine d’hommes armés, vous ne
croyez pas ?
J’étais encore sous le choc et incapable de
prononcer un mot.
— Nous voulons que vous partiez au plus
vite, ordonna Sa Sainteté. Prenez cependant quelques jours de repos pour
préparer votre long voyage jusqu’à Compostelle. Mais, je vous le demande
instamment, faites en sorte que personne ne vous voie en dehors de la
commanderie. Nous sommes entourés d’espions, ils pourraient mettre fin à votre
mission d’une manière peu agréable. Partez dès que vous vous sentirez prêt.
— Mais..., balbutiai-je, comment... C’est
impossible, Votre Sainteté !
— Impossible ? répéta ce dernier en se
tournant vers le commandeur, j’ai bien entendu impossible ?
— Vous n’avez pas le choix, Galcerán,
s’exclama mon supérieur sur un ton qui n’admettait pas de réplique.
Je pouvais être durement sanctionné pour ma
désobéissance, et même expulsé de mon ordre.
— Vous devez accomplir cette mission. Vous
resterez dans notre commanderie jusqu’à ce que vous vous sentiez prêt à partir
comme vous l’a dit le Saint-Père, et ensuite vous prendrez le chemin de
Compostelle. Quelques soldats du pape vous suivront à distance pendant votre
pérégrination de façon à ce que vous puissiez leur communiquer vos découvertes.
Vous adopterez la personnalité d’un pèlerin pauvre et vous ferez usage de vos
connaissances pour découvrir ce Tau aureus que vous avez
si habilement mis au jour.
— Laissez-moi au moins quelques instants
pour réfléchir,
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