Iacobus
venez de me
l’offrir en échange de notre protection. Non, nous voulons acheter votre
talent, votre intelligence, et cela, mon cher ami, n’a pas de prix. Nous
voulons que vous rénoviez complètement notre système de sécurité. Si vous avez
pu le percer, vous êtes le mieux placé pour le restaurer afin que personne, ni
aujourd’hui ni dans les siècles à venir, ne puisse accéder à nos cachettes,
documents, voies de communication ou missions secrètes.
Je l’écoutai bouche bée sans oser respirer pour
ne pas interrompre sa péroraison.
— Je vois à votre expression que vous êtes
intéressé, dit Manrique en souriant. Mais vous le serez encore plus quand vous
connaîtrez le projet que nous souhaitons vous confier pour commencer. Nous
devons transporter l’arche et le trésor du Temple de Salomon au Portugal sans
plus attendre, ainsi qu’une bonne partie des richesses cachées dans nos
anciennes commanderies, et trouver un endroit où les cacher de sorte que
jamais, vous m’entendez, jamais on ne puisse les découvrir !
Je devais retenir ma respiration depuis un bon
moment car, la poitrine serrée, je poussai soudain un long soupir. Le soleil
commençait à décliner à l’horizon et serait bientôt englouti par la mer.
— Alors, vous acceptez ?
La petite barque de Martino, enveloppée dans la
brume, luttait contre les caprices de l’océan rendu furieux. Ma douce Sara
devait s’inquiéter et se demander si j’étais encore vivant après toutes ces
heures d’absence. Je devais la prévenir au plus vite que tout s’était bien
passé, mieux même que nous ne l’espérions.
— Galcerán ? Eh ! Perquisitore !
— Oui ?
— Vous acceptez ?
— Bien sûr.
ÉPILOGUE
Ainsi se termine la chronique des événements de
ces dernières années. J’espère avoir été fidèle à la vérité. Si j’ai failli,
j’espère aussi que cela me sera pardonné, l’unique motif d’une telle erreur
étant l’ignorance, mais non la mauvaise foi ou le désir de tromper.
Écrire m’a permis d’éclaircir mes idées et
d’approfondir certains faits auxquels je n’avais pas prêté attention sur le
moment. Je n’appartiens plus à l’ordre des Hospitaliers, le moine que j’étais
est enterré dans le cimetière de Noia depuis deux ans. Mais je continue d’être
chevalier et médecin et réponds toujours au surnom de Perquisitore. L’homme qui usait auparavant de ce titre, un
certain Galcerán de Born, n’existe plus ; son corps, celui d’un jeune
garçon et de la femme juive qui l’accompagnaient ont été retrouvés sans vie
dans un lieu reculé de la côte galicienne. L’ordre de l’Hôpital auquel Galcerán
avait appartenu jusqu’à sa mort survenue lors de l’accomplissement d’une
importante mission s’était chargé d’apprendre la nouvelle à sa famille de
Taradell.
Quelques mois plus tard, arrivait à la ville
portugaise de Serra d’El-Rei, un bourg côtier appartenant au nouvel ordre des
chevaliers du Christ, un médecin d’origine bourguignonne appelé Iacobus. Il
était marié avec une belle et étrange femme aux cheveux blancs et avait pour
fils un jeune garçon qui fut bientôt connu dans toute la ville sous le surnom
de Jonas le Compagnon, car il éprouvait sans cesse de soudaines et intenses
vocations qui le faisaient entrer comme apprenti chez tous les artisans de la
ville.
Peu de temps après nous être installés dans
cette belle maison près du port qui bénéficie d’une vue splendide sur la mer,
alors que tout se déroulait comme Sara et moi l’avions prévu, je fus appelé par
les chevaliers du Christ pour débuter les travaux de récupération de leurs
richesses avant de leur trouver une nouvelle cachette au Portugal. On m’assigna
un lieu de travail, le château d’Amourol, sur le Tage, près de la forteresse de
Tomar, et l’on me fournit de nombreux assistants. Parmi eux, des astrologues,
des mathématiciens, des alchimistes et des maîtres artisans.
À l’heure où je rédige ces dernières lignes, les
travaux continuent et continueront encore longtemps. Il est possible que cela
m’occupe encore une bonne quinzaine d’années. Mais je crains malgré tout d’être
interrompu par d’autres missions. Un groupe d’excellents cartographes juifs de
Majorque, les meilleurs au monde, s’est tout récemment installé dans une des
ailes du château. Rien ne filtre de leurs activités, mais la rumeur parle de
cartes destinées à
Weitere Kostenlose Bücher