Iacobus
suppliai-je. J’aimerais emmener mon écuyer, ce novice que j’ai
sorti du monastère de Ponç de Riba pour lui enseigner les rudiments de la
médecine. Il s’est révélé un bon compagnon et m’a été d’une grande aide au
cours de mes enquêtes.
— Que sait-il de notre affaire ?
demanda le pape, furieux.
— C’est lui qui a découvert l’énigme du
message, Votre Sainteté.
— Il est donc au courant de tout.
— C’est exact, Votre Sainteté, répondis-je
d’un ton ferme, décidé à ce que Jonas m’accompagne même au prix d’une dure
sanction.
Tout bien pesé, ce voyage pouvait avoir une
conséquence positive : permettre une rencontre avec la mère de Jonas,
Isabel de Mendoza.
— D’ailleurs, ajoutai-je en donnant pour acquise
la présence de Jonas à mes côtés, je vais avoir besoin d’une autorisation très
spéciale que vous seul pouvez me fournir...
IV
Durant les premiers jours de ce mois d’août
1317, aidé d’une très belle copie du Guide du Pèlerin établie
par les moines de Ripoll, tirée du Codex Calixtinus [6] , je préparais avec méticulosité chaque détail de
notre voyage sur la tombe de l’apôtre en terre de Galice. J’eus aussi
l’occasion de recevoir d’abondantes informations de plusieurs frères qui avaient
effectué le pèlerinage. Ils nous apprirent que les nombreux chemins qui
traversent l’Europe se réduisent drastiquement à quatre voies en France :
la via tolosana qui passait par Toulouse, la route du Puy, la via
lemovicensi par Limoges et la via Turonensis. Pour
Evrard qui partait de Paris, la route la plus directe aurait été cette dernière
qui traversait Orléans, Tours, Poitiers, Bordeaux et Ostabat pour pénétrer
ensuite en Espagne par Roncevaux. Étant donné la situation plus méridionale
d’Avignon, je comptais descendre jusqu’à Arles pour prendre la route
toulousaine qui partait de Saint-Gilles-du-Gard, passer par Montpellier puis
Toulouse avant de traverser les Pyrénées au col du Somport.
J’avais beau tourner et retourner les faits dans
ma tête, j’ignorais encore par où commencer la quête de ce trésor. Je me disais
pour me tranquilliser que si ces richesses étaient réellement dissimulées tout
au long du Chemin, ceux qui avaient préparé les cachettes avaient dû laisser
des signes pour qu’on puisse les récupérer. Je ne me faisais aucune illusion,
j’étais sûr que ces signes obéissaient à des codes très difficiles, impossibles
même à décrypter pour qui n’en posséderait pas la clé. Mon seul espoir était
que les Templiers, des initiés comme moi, aient eu recours à des cryptogrammes
que je connaissais. Comme tout cet or n’avait pas été placé tout au long du
chemin de Compostelle juste à l’intention d’Evrard, commencer le Chemin en
Aragon au lieu de le faire en Navarre devait constituer un avantage puisque ainsi
nous le parcourrions dans sa version la plus longue.
Je devais me concentrer bien sûr sur les
anciennes propriétés de l’ordre du Temple. Il était probable que je trouverais
réponse à mes questions en ces lieux. Mais le grand nombre de commanderies,
châteaux, palais, églises, fermes, granges, moulins et forges qui leur avaient
appartenu me préoccupait. L’ordre des Templiers s’était établi en Espagne
durant le premier tiers du XII e siècle, commençant par l’Aragon, la
Catalogne et la Navarre, et s’étendant par la suite en Castille et Léon. Ses
chevaliers avaient lutté avec courage pour défendre les frontières contre les
Maures et participé à toutes les batailles importantes comme le siège de
Valence et de Majorque avec Jaime I er , la conquête de Cuenca, la
bataille de Las Naves de Tolosa et la prise de Séville. Son patrimoine était
donc immense et réparti sur toutes les terres chrétiennes d’Espagne. Une route
telle que le long chemin de Compostelle présentait un sérieux problème à qui
devait visiter chacun des édifices bâtis ou acquis par les frères du Temple
pendant deux siècles. Sans compter qu’ignorant quelle méthode ils avaient
utilisée pour signaler leurs richesses, je devais examiner tous les éléments
qui attireraient mon attention.
Pour commencer notre faux pèlerinage, Jonas et
moi devions prendre de nouvelles identités. Après moult réflexions, et pour ne
pas trop défigurer la vérité, cela viendrait bien assez tôt, je me convertis en
ce que je serais devenu naturellement si je n’avais pas choisi la
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