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Iacobus

Iacobus

Titel: Iacobus Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Matilde Asensi
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supérieure, dit-elle.
    — Allez dire à cette dame que don Galcerán
de Born, émissaire de Sa Sainteté Jean XXII, muni d’une autorisation signée par
le Saint-Père, souhaite lui présenter ses hommages.
    La religieuse me jeta un regard inquiet puis
disparut derrière une porte de chêne qu’elle ouvrit à grand-peine. Elle
réapparut peu de temps après accompagnée d’une révérende au port noble, à
l’allure raffinée. Toutes deux, par leur fonction, devaient être exclues de la
réclusion.
    — Je suis dona Maria de Almenar. Que
désirez-vous ?
    Je mis genou à terre et baisai le splendide
crucifix du rosaire qu’elle portait à sa ceinture d’aube.
    — Mon nom est don Galcerán de Born, madame,
et j’ai reçu du pape la permission d’avoir une entrevue avec dona Isabel de
Mendoza.
    — J’aimerais voir ce papier, dit-elle avec
courtoisie.
    On devinait à ses manières qu’il s’agissait
d’une dame de qualité qui avait dû passer la majeure partie de sa vie à la
Cour.
    Je lui tendis les documents. Après les avoir
examinés un instant, elle disparut par la porte de chêne. Cette fois, je
demeurai seul plus longtemps. Une vive discussion devait avoir lieu derrière
ces murs, la supérieure cherchant confirmation de mes dires, craignant un piège
ou une falsification. Mais dans ce cas précis, malgré mon grand usage du
mensonge, le papier que je lui avais donné était authentique. Le pape l’avait
signé la nuit même où il m’avait confié la désagréable mission que j’essayais
de mener à bien.
    Dona Maria de Almenar revint avec une expression
sévère sur le visage.
    — Je vous prie de me suivre, don Galcerán.
    Je traversai à sa suite un cloître de grandes
proportions puis tournai deux fois à gauche avant d’arriver dans une autre
enceinte plus petite et sans doute plus ancienne.
    — Attendez ici, dit-elle, dona Isabel ne va
pas tarder. Vous vous trouvez dans la partie du monastère appelée « Las
Claustrillas ». C’était le jardin de l’ancienne propriété où les rois de
Castille venaient se reposer loin des soucis du royaume. C’est pour cette
raison que ce monastère porte le nom de « Las Huelgas ».
    Mais je ne l’écoutais plus et ne remarquai même
pas son départ. Le regard fixé sur les parterres, j’étais très occupé à
contenir les battements de mon coeur. J’avais aussi peur, si ce n’est plus,
qu’en ces temps lointains où, armé jusqu’aux dents et couvert d’une armure, je
me lançais au galop sur le champ ennemi avec mon oriflamme. Je savais que je
devais tuer ou mourir, mais jamais mes jambes n’avaient fléchi, jamais mes
mains n’avaient tremblé comme en cet instant. J’aurais aimé être mieux habillé,
arborer une barbe propre et bien soignée, porter une épée au côté, me présenter
revêtu du long manteau avec la croix noire octogonale des Hospitaliers. Je
devais me contenter malheureusement des oripeaux d’un pauvre Jacquet peu digne
de paraître devant une femme comme Isabel de Mendoza.
    Isabel... Je pouvais encore entendre son rire
enfantin résonner dans les couloirs du château de son père et voir briller le
reflet des flammes dans ses magnifiques yeux bleus. Je me souvenais
parfaitement de sa peau douce comme le velours, des formes de son corps, de ces
instants où elle se donnait à moi, tous deux emportés par la passion de la
jeunesse. Nous fûmes surpris un jour par sa vieille nourrice, dona Misol,
jamais je n’oublierai ce nom, qui se dépêcha d’informer le père d’Isabel, don Nuño
de Mendoza, de notre délit. Cet ami de mon père avait accepté de me prendre
dans sa maison comme écuyer. Ma faute aurait pu mettre fin à toutes mes chances
d’être nommé chevalier (don Nuño demanda à l’évêque d’Alava un jugement
d’honneur contre moi), mais l’intervention de mon père me permit d’entrer dans
l’ordre militaire de l’hôpital de Saint-Jean-de-Jérusalem. Je fus séparé
d’Isabel et de ma famille, puis envoyé à Rhodes à l’âge de dix-sept ans sans
que jamais personne ne m’informe de la naissance de Jonas.
    — Messire Galcerán de Born ! s’exclama
une voix derrière moi.
    Était-ce Isabel ? Je n’en étais pas sûr.
Quinze années avaient passé sans entendre le son de sa voix. Celle-ci avait un
timbre plus aigu, plus strident. Était-ce vraiment Isabel derrière moi ?
Je me sentais incapable de me retourner, je n’en avais pas la force. Impossible
même de

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