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Iacobus

Iacobus

Titel: Iacobus Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Matilde Asensi
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proférer un son. Je parvins cependant à me raisonner par un effort de
volonté et, réussissant à faire taire mes peurs, pivotai sur mes talons.
    — Dona Isabel...
    Une religieuse aux yeux bleus me regardait avec
une expression mêlée de peur et de curiosité. L’ovale épaissi de ce visage
inconnu rappelait vaguement celui de Jonas. Des sourcils très fins, un front
ample, des pommettes saillantes dont je ne me souvenais plus, beaucoup de fards
avaient modifié son apparence. Qui était cette inconnue ?
    — C’est un plaisir de vous revoir après
tant d’années, dit Isabel d’un ton sec qui démentait ces paroles de bienvenue.
    Ses vêtements noirs qu’imposait la règle de
saint Bernard (ornés toutefois de bijoux somptueux) et la coiffe qui cachait
ses cheveux me déconcertèrent. Je ne la reconnaissais pas. Vieillie, avec de
l’embonpoint, elle ne ressemblait en rien à ma belle Isabel.
    Non, je ne savais pas qui était cette femme d’un
âge avancé et d’apparence aigrie.
    — Pour moi aussi, madame. Il y a bien
longtemps, en effet.
    Comme par enchantement, toutes mes peurs,
angoisses et souffrances avaient disparu. Je ne ressentais plus aucun trouble.
    — Et quel est le motif de cette
extraordinaire visite ? Vous avez soulevé une telle agitation dans notre
couvent ; notre supérieure ne sait trop quoi penser de vous.
    — Le document que je lui ai remis est
authentique et parfaitement en règle. J’ai eu beaucoup de mal à l’obtenir, mais
mes efforts ont été bien employés.
    — Allons nous promener, don Galcerán. Comme
vous pouvez le remarquez, Las Claustrillas est un endroit bien agréable.
    On entendait l’eau s’écouler d’une petite
fontaine et le chant des oiseaux. La paix et la sérénité régnaient autour de
nous. Et dans mon coeur aussi. Je parcourus en compagnie d’Isabel les galeries
silencieuses dont les arches dénuées de toute ornementation reposaient sur des
piliers joints.
    — Dites-moi, à quoi dois-je votre
visite ?
    — À notre fils, dona Isabel, au jeune
Garcia Galceránez qui fut abandonné au monastère de Ponç de Riba il y a un peu
plus de quatorze ans.
    Isabel réprima un sursaut et cacha sa confusion
par un petit rire sec.
    — Je n’ai pas de fils, mentit-elle.
    — Oh ! mais si. Il se trouve même en
ce moment à l’auberge de l’Hospital del Rey où il se repose, et je vous assure
qu’en le voyant personne n’oserait nier l’évidence : il a votre visage,
trait pour trait, fidèlement reproduit par la nature jusque dans les moindres
détails. Il ne me ressemble que par son mauvais caractère, sa voix et sa
stature. Il y a peu, madame, que je l’ai retrouvé là où vous aviez donné
l’ordre de le laisser.
    — Vous vous trompez, monsieur, nia-t-elle
avec obstination, mais le tremblement de ses mains chargées de bagues la
trahissait. Nous n’avons jamais eu de fils.
    — Assez de sornettes, je vous prie !
Il y a trois ans, un pauvre mendiant rongé par la lèpre fut conduit à
l’infirmerie de mon ordre, à Rhodes. Il ne lui restait plus beaucoup d’heures à
vivre et j’ordonnai qu’on l’emmène à la salle des mourants. En me voyant,
l’homme me reconnut. C’était votre domestique Gonçalvo. Vous vous souvenez de
lui ? Un des porchers du château, le plus jeune. Avant de mourir, il eut
le temps de me raconter votre accouchement qui eut lieu en juin 1303 ; il
m’expliqua que dona Misol et vous lui aviez confié le nouveau-né pour qu’il le
dépose au monastère de Ponç de Riba en échange de quoi il obtiendrait la
liberté – j’en déduis que votre père était derrière toute cette affaire –, et
que vous étiez entrée au couvent.
    — Ce n’est pas moi qui ai accouché ce
jour-là ! s’exclama-t-elle avec véhémence d’une voix haut perchée, signe
qu’elle se sentait terriblement bouleversée. C’est dona Elvira, ma dame de
compagnie, celle qui vous faisait tant rire avec son badinage.
    — Cessez de mentir ! hurlai-je en
m’arrêtant pour la regarder droit dans les yeux. L’enfant abandonné par
Gonçalvo à Ponç de Riba portait l’amulette juive de jais dont je vous fis
cadeau lors d’une certaine nuit, vous vous souvenez ? Je la portais
toujours autour du cou, sous mes vêtements. Ma mère me l’avait donnée après ma
naissance. Vous l’aviez voulue après l’avoir découverte par hasard parce que
vous l’aviez sentie sur votre peau. De plus, dans la lettre laissée avec

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